Textes de référence

 
LES DONS SPIRITUELS
Prophétie, Glossolalie, Guérison
 
Rapport de la Commission de théologie
(mai 1999)
 

I . Introduction

II. Préliminaire

IlI. Prophétie

IV. Glossolalie

V. Guérison

 
 
C'est pour répondre à une demande de la Commission Permanente que la Commission de théologie a examiné la question des "dons spirituels". Après trois ans de travail, elle présente aujourd'hui aux Eglises le résultat de sa réflexion. Elle s'est efforcée d'aborder ce sujet sans à priori, sans passion. Elle s'associe à ce que le professeur Gaffin a écrit : "L'enjeu ici est l'unité et le bien-être de tout le corps de Christ et la santé de tous ses membres, charismatiques comme non charismatiques". Certes, la Commission dit ce qu'est sa profonde conviction, mais sans violence et sans agressivité à l'égard de qui que ce soit, du moins elle espère y être parvenue.
 
Le lecteur de ce rapport trouvera des thèses à la fin des chapitres. Il semble que ce procédé soit le mieux adapté pour un travail dont les synodes auront à se saisir.
 
Nous accompagnons la publication de ce document de nos prières pour qu'elle puisse contribuer à l'édification du peuple de Dieu et non à sa destruction, à manifester son unité et non à le diviser.
 
 
La mise en avant ces dernières années d'une piété qui entend renouer avec celle de la période apostolique et ses multiples manifestations (don des langues, interprétation, prophétie, discernement des esprits, guérison, exorcisme etc ... ) pose immédiatement une question fondamentale à savoir : comment Dieu manifeste-t-il sa présence ; avec, bien entendu, en corollaire : comment nous parle-t-il ?
La réponse à ces questions demanderait un développement hors de proportion avec les dimensions de ce rapport qui se veut, avant tout synthétique, mais le sujet ne peut pourtant être évité. En effet, la piété "charismatique" se veut l'expression d'une relation plus "directe" avec Dieu, la présence divine étant plus "sensible" à l'individu, voire plus "visible" à la communauté. Il faut donc nous donner les moyens d'évaluer bibliquement et théologiquement le contenu réel de ces expériences.
 
a). Le temps de la révélation
"Dieu a parlé". Cette affirmation au passé qui ouvre la lettre aux Hébreux préfigure la clôture du temps de la révélation de Dieu, révélation qui s'est inscrite dans l'histoire d'Israël et dans l'incarnation de son Messie - Parole éternelle de Dieu -, révélation qui a été portée à la connaissance et à la compréhension des hommes par le message des prophètes et par celui des apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu a parlé une fois pour toutes au travers d'une histoire et par les hommes qu'il avait choisis. Cette histoire est achevée, la révélation est donc close.
Nous rejoignons ici une des affirmations centrales de la Réforme, à savoir le caractère suffisant et normatif de la Bible comme Parole de Dieu. C'est elle qui est à la fois la source et le critère de discernement de toute parole, elle est la "norma normens" pour ordonner la vie de l'Église comme celle de chaque fidèle, quelles que soient les circonstances ecclésiales et communautaires ou privées et individuelles. Aucune expérience, aussi bénéfique soit-elle, ne peut constituer une base d'évaluation ultime pour dire si Dieu est là, ou s'il parle ici de telle manière. Contredire à la pleine suffisance de l'Ecriture, c'est s'engager dans un naufrage où Dieu ne saura plus être distingué des passions humaines ni de l'histoire en marche.
 
b). Le rôle du Saint-Esprit
Dire que Dieu a parlé n'implique pas que l'on renonce au présent de la Parole de Dieu, mais cela veut dire que la Parole que nous entendons aujourd'hui ne surgit pas de notre vécu mais dans notre vécu. Elle est l'écho toujours renouvelé de la révélation primordiale parvenue à son plein achèvement dans la personne et l'oeuvre de Jésus-Christ. Le présent de cette Parole est garanti par I'accompagnement du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit qui a inspiré les prophètes et les apôtres nous fait entendre Dieu aujourd'hui. Il parle aux Eglises, il frappe au coeur des hommes. Le Dieu vivant ne cesse de communiquer, d'entrer en dialogue avec son peuple. Pourtant, cette activité présente de l'Esprit ne saurait court-circuiter son activité passée. Autrement dit l'illumination n'est pas la révélation. L'illumination a lieu à partir de la parole déjà donnée, inscripturée. Le Saint-Esprit nous entraîne ainsi à confesser la foi apostolique donnée aux saints une fois pour toute.
 
c). Une nécessaire médiation ...
Dès lors, il reste à savoir par quels moyens nous entendons cette parole, de quels véhicules le Saint-Esprit se sert pour nous faire connaître le message de Dieu et nous convaincre de sa véracité.
Le concept d'immédiateté, selon lequel une expérience directe de Dieu serait possible sans le secours d'aucune médiation, est inacceptable. Certains théologiens charismatiques le reconnaissent volontiers (Cf. J.C. Schwab in Hokma n°43/1990). En pareil cas, il y aurait fusion en Dieu au détriment de notre identité. Même la célèbre phrase de l'apôtre : "Ce n'est plus moi qui vis mais c'est Christ qui vit en moi" n'implique pas, en aucun moment, la disparition de la personnalité de Paul. Ainsi, toute Parole de Dieu est reçue dans le contexte d'une médiation humaine, d'un langage humain où entrent en jeu une quantité de facteurs que Dieu gère dans sa souveraineté.
L'incarnation, qui est au terme du processus de la révélation, est bien la démonstration incontournable du fait que la Parole qui vient d'en haut nous arrive par en bas, dans le monde complexe de la communication médiatisée.
 
d). ... mais pas de langage sacré
De cette constatation nécessaire il se dégage ce point très important selon lequel il n'est pas possible d'établir un discernement sur la valeur spirituelle d'un événement ou d'une parole à partir de sa réalisation formelle. Il n'y a pas de langage sacré. Il n'y a pas de forme de communication (extraordinaire, par exemple) où Dieu serait nécessairement plus présent que dans une autre. Il n'y a pas un langage en prise directe et un autre qui aurait le défaut de passer, par exemple, par la médiation de l'intelligence humaine. C'est ainsi que l'on voit l'apôtre Paul énoncer dans une même liste les dons par lesquels le Saint-Esprit édifie la communauté, et passer sans commentaire ni remarque de ceux qui ont le don de guérir à ceux qui ont le don de secourir ou de gouverner. De l'extraordinaire à l'ordinaire, de la simple parole de sagesse à l'interprétation des langues, tout peut être reçu comme une parole ou une action de Dieu... et à l'inverse, rien de tout cela n'est en soi une garantie de sa présence. Seul le contenu, seule l'orientation de l'événement en référence à la révélation normative de Dieu permet d'affirmer que Dieu est bien dans cette parole ou dans cette action.
 
e). A finalité différente, médiation différente
Enfin, pour conclure sur ces remarques préliminaires, il convient de souligner à nouveau l'importance que revêt le passage de l'ère de la "révélation" à celui de "l'illumination". Certes, le dialogue entre Dieu et son peuple reste essentiellement le même dans sa nature profonde quelles que soient les époques, mais on constatera dans l'Ecriture elle-même que les moyens utilisés par Dieu pour manifester sa présence et communiquer sa volonté varient selon les temps et selon l'action qu'il veut mener. A combien plus forte raison il nous semble légitime d'induire qu'à partir du moment où l'histoire sainte est achevée, où tout ce qui est nécessaire à notre salut a été porté à notre connaissance sous la forme d'une parole verbale, les modes mêmes de la présence et de la communication de Dieu à son peuple sont susceptibles de changer.
Prêtons grandement attention au fait qu'il ne s'agit plus désormais de révéler Dieu par le moyen de l'histoire, mais seulement d'illuminer les coeurs. Ainsi notre exégèse du Nouveau Testament devra prendre garde à ne pas transporter tout le vécu de l'Eglise apostolique dans notre contexte, sans auparavant s'être assuré qu'il ne s'agit pas d'un retour illégitime à l'économie de la révélation.
 
Ceci établit, il convient maintenant d'aborder notre sujet en séparant ce que nous appelons les dons verbaux (prophétie, glossolalie) de ceux qui, à l'évidence, sont d'un autre ordre : les dons de puissance (miracles, guérisons, exorcismes).
 

 
Nous distinguons deux types de prophétie :
a). La prophétie fondatrice
L'Eglise s'édifie sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ étant lui-même la pierre angulaire (Ephésiens 2/20). Ce texte est essentiel parce qu'il fait ressortir qu'il y a eu une période fondatrice au coeur de laquelle apôtres et prophètes ont joué un rôle unique, non transmissible. Pendant un temps relativement court, apôtres et prophètes ont prêché, enseigné, écrit à la fois pour témoigner de ce qu'ils avaient vu et entendu, mais aussi pour faire face aux besoins des communautés naissantes - l'Eglise prenant alors une dimension vraiment universelle.
 
Il faut toutefois remarquer qu'aujourd'hui nous ne disposons pas de tous les documents apostoliques et prophétiques qui ont circulé dans les assemblées chrétiennes. Par exemple, nous ignorons le contenu de la lettre aux Laodicéens dont les Colossiens devaient prendre connaissance (Colossiens 4/16).
 
En sens inverse, les Eglises, à ce moment-là, n'avaient pas accès aux quatre évangiles, ni au récit global des Actes des Apôtres, ni à l'ensemble des épîtres. Cette période de la mise en place des fondements sera relativement brève. Elle s'achevera a une époque qu'il est impossible de dater avec précision, mais qui coïncide avec la formation du canon biblique1.
Le temps de la fondation est révolu. Désormais les Eglises disposent d'un texte pleinement suffisant pour faire connaître tout le conseil de Dieu. La Révélation est inscripturée, c'est-à-dire qu'elle est véhiculée par une "Ecriture Sainte". Avec les chrétiens de la Réforme, nous confessons que la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, "est la règle unique de toute vérité et qu'elle contient tout ce qui est nécessaire au service de Dieu et à notre salut. Il n'est donc pas permis aux hommes, ni même aux anges, d'y rien ajouter, retrancher ou changer" (Article 5 de la Confession de foi de La Rochelle). Dans ce sens, il n'y a plus de prophètes et d'apôtres, porteurs de la Révélation.
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(1) Canon signifie : règle de lecture
 
Avant de terminer ce paragraphe, la question se pose de savoir s'il faut faire une différence dans le texte d'Ephésiens 2/20 entre apôtres, d'une part, et prophètes, d'autre part. Certains théologiens pensent qu'il faut faire une distinction. D'autres ne partagent pas ce point de vue. Sans entrer dans le débat, nous penchons plutôt pour la deuxième thèse. L'expression "les apôtres et les prophètes" n'est probablement qu'une figure de rhétorique qui consiste à dissocier deux aspects d'une même réalité. Cette construction est fréquemment utilisée dans le Nouveau Testament :
- en Romains 16/7 (mes parents et mes compagnons d'oeuvre désignent les mêmes personnes) ;    
- en Ephésiens 6/21 (le. frère bien-aimé et le fidèle serviteur ne font qu'un) ;    
- de même dans Colossiens 1/2 (aux saints et aux frères fidèles) ;
- ou Ephésiens 4/11 (pasteurs et docteurs)
- voir encore : Philippiens 2/25 ; Colossiens 4/7 ; Philémon 1 ; Hébreux 3/1 ; I Pierre 3/18 etc.
 
Ainsi ce texte devrait être traduit de la manière suivante : "Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres prophétiques, Jésus-Christ lui-même étant la pierre de I'angle".
 
Mais en définitive, malgré leur divergence, les deux thèses en présence s'accordent pour dire qu'il existe une période fondatrice où se met en place l'autorité canonique. C'est l'essentiel.
 
b). La prophétie actuelle
Affirmer que la prophétie fondatrice n'existe plus ne signifie pas qu'il n'y a plus de place dans l'Eglise au don de prophétie. Le nier serait aller à l'encontre de l'enseignement scripturaire lui-même. Comme tous les membres du peuple de la nouvelle alliance sont rois et sacrificateurs, ils sont également tous prophètes.
 
Le livre des Actes s'ouvre par l'affirmation que désormais la nouvelle Alliance est l'accomplissement de la parole de Joël. Dès lors, tous, jeunes et vieux, hommes et femmes, prophétisent parce que l'Esprit les y pousse (Actes 2/17,18). Or le don de l'Esprit n'est pas limité à la période fondatrice. Il n'est pas surprenant que Paul exhorte les fidèles de Corinthe à rechercher l'amour mais aussi les dons spirituels dont celui de prophétie (1 Corinthiens 14/1,39). Tous peuvent prophétiser (1 Corinthiens 14/31). Il n'y a vraiment aucune barrière de quelque nature que ce soit, même pas la différence des sexes (Actes 2/17, I Corinthiens 11/5).
En quoi consiste cette prophétie ?
- Elle n'est certainement pas un supplément venant s'ajouter et compléter l'Ecriture Sainte. Au contraire, elle est soumise à la Parole canonique et biblique :
"Si quelqu'un croit être prophète ou inspiré, qu'il reconnaisse que ce que je vous écris est un commandement du Seigneur. Si quelqu'un l'ignore, c'est qu'il est ignoré de Dieu"
(1 Corinthiens 14/37,38).
- La prophétie doit être examinée pour savoir si elle est correcte (1 Thessaloniciens 5/21).
- Elle peut être interrompue. Le prophète n'a pas d'autorité en lui-même (1 Corinthiens 14/30).
- La prophétie n'est pas la glossolalie. Elle est faite en une langue compréhensible. Elle édifie la communauté en instruisant, en exhortant, en consolant (1 Corinthiens 14/3-5,12,19,24-26). I Corinthiens 14/31 décrit la finalité de la prophétie : "vous pourrez tous prophétiser successivement afin que tous soient instruits et que tous soient exhortés". Considérons les deux verbes employés ici :
- manthanô : la prophétie transmet une connaissance (1 Corinthiens 14/6 ; Ephésiens 4/13 "apprendre le Christ" ; 1 Pierre 4/10 ; Colossiens 1/7 ; 1 Timothée 2/11, 5/4 ; Il Timothée 3/14).
- parakaleô qui signifie : consoler, aider, exhorter (Romains 12/1 ; Ephésiens 4/1 ; 6/22 - il est impossible de tout citer (ce verbe est utilisé 105 fois dans le Nouveau Testament, et le substantif paraclésis : 29 fois).
 
La prophétie se situe entre la proclamation (kérygma) tournée vers le monde et l'enseignement systématique (didaché), entre l'évangélisation et la réflexion théologique. Elle est indispensable pour édifier l'Eglise parce qu'elle consiste en une aide spirituelle pastorale et fraternelle. Elle rend manifeste la présence de Dieu dans la communauté (I Corinthiens 14/24, 25).
 
Une question surgit : celle du rapport entre la prophétie et la prédication. Le professeur Cothenet, de l'Institut catholique, auteur de l'article "Prophétisme dans le Nouveau Testament" paru dans le supplément au Dictionnaire de la Bible, écrit, après avoir souligné que celui qui exhorte dans l'assemblée chrétienne rappelle le prédicateur de la synagogue : "la parole prophétique, telle qu'elle apparaît dans 1 Corinthiens, Romains 12 et aussi 1 Pierre 4/11 est donc très voisine de la  prédication fondée sur l'Ecriture2".
Certes, le domaine où s'exerce la prophétie est sans doute plus large que celui de la prédication, mais il est exact de penser que la prédication peut être aussi un acte prophétique. Il faut abandonner l'idée que la caractéristique essentielle de la prophétie est la spontanéité ; la prophétie est aussi le fruit d'une longue méditation et d'un travail préparatoire sérieux. La prophétie, puisant sans cesse dans le vieux trésor de la révélation, fait jaillir une parole en prise avec l'actualité d'une communauté précise ou au coeur de la problématique d'un individu dans la situation qui est la sienne. Elle n'est jamais intemporelle.
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(2). - Cette citation est extraite d'une conférence faite par le professeur H. Blocher à une Pastorale nationale (St Prix - janvier 1990).
 
Nous concluons donc que, si tous les chrétiens sont appelés à exercer le ministère prophétique, certains peuvent l'assumer plus que d'autres parce qu'ils ont reçu de l'Esprit le don d'exhorter et de consoler (1 Corinthiens 12/10 ; Ephésiens 4/11).
 
La puissance de Dieu se manifeste non pas dans l'éclat d'un événement ou d'un phénomène sensible aux sens, mais dans le fait que, par la prédication prophétique, Dieu parle, agit et accomplit son oeuvre de salut.
 
THESES SUR LA PROPHETIE
1 . Les Saintes Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testament constituent la règle absolue qui ordonne la vie de l'Église comme celle de chaque fidèle quelles que soient les circonstances ecclésiales et communautaires, privées et individuelles.
 
2. Si le temps des prophètes-fondateurs s'achève avec la rédaction du Nouveau Testament (Ephésiens 2/20), la prophétie quant à elle devient dans la Nouvelle Alliance le privilège du peuple de Dieu dans son ensemble. Habitée par l'Esprit-Saint, l'Eglise est un peuple de prophètes (Actes 2/16-21). Cela signifie que personne n'est écarté de l'exercice de ce ministère prophétique, qu'il soit un homme ou une femme.
 
3 . La prophétie se situe entre la proclamation (kérygmatique) tournée vers le monde et l'enseignement systématique (didactique), entre l'évangélisation et la recherche théologique. Elle est indispensable pour édifier le fidèle comme la communauté parce qu'elle dit l'aujourd'hui de Dieu. Elle est ainsi une aide spirituelle pastorale et fraternelle. C'est dire que la prédication est un acte prophétique, mais que la prophétie ne se limite pas à la prédication.
 

 
Nous introduisons cette étude sur le don des langues par une double question : les langues actuelles (dans le mouvement charismatique) sont-elles les langues bibliques ? Et avec cette seconde approche : y a-t-il place aujourd'hui pour une vocalisation non conceptuelle de la foi ?
 
L'exégèse Réformée traditionnelle sur la question du don des langues est généralement beaucoup trop tributaire d'une systématique qui situe d'emblée le phénomène comme un des signes réservés à la période apostolique. Loin de nous l'idée de nier la réalité de la distinction entre une période fondatrice, porteuse de la Révélation finale, et le temps de l'Eglise. Mais à bien examiner les textes bibliques, on peut légitimement se demander si la nature même du don des langues a été bien comprise.
 
Xénoglossie ou glossolalie ?
 
La première question qui se pose est celle de savoir au fond qu'est-ce que ce "Ialein glossais" ?
 
Selon l'opinion d'un certain nombre de théologiens, les "langues" dont parle le Nouveau Testament étaient toutes des formes de xénoglossie, c'est-à-dire l'expression d'un phénomène linguistique authentique. Même s'il ne s'agissait pas de langues existantes, c'était un langage avec une grammaire et des mots qui véhiculent un sens défini. Autrement dit, dans cette perspective, la réponse à la première partie de la question est déjà donnée : c'est NON !  Non, les langues actuelles ne sont pas les langues bibliques. En effet, toutes les études linguistiques ont montré que les parlers en langues charismatiques n'obéissent pas aux règles infrangibles du langage. Sauf témoignages rarissimes, et jamais vérifiés, les langues actuelles ressortent de la glossolalie. Il s'agit d'une libre expression vocale n'obéissant à aucune règle et ne pouvant donc pas véhiculer un contenu de sens par un quelconque agencement des signes sonores.
Mais le parler en langues néo-testamentaire, était-il vraiment toujours une xénoglossie ?
Les "langues" comme signe du changement d'économie
Une chose est certaine : on ne peut pas trancher la question à l'aide d'une étude de vocabulaire. Le "lalein étéraïs glossaïs" pouvant tout aussi bien renvoyer à une apparence de langage qu'à un langage réel et conventionnel. Pour essayer d'y voir clair, seul l'usage biblique de ce don peut nous amener à en discerner sa nature. Dans la perspective évangélique classique, le rôle des "langues" est défini en fonction de deux paramètres :
 
1 : les "langues" ont un rôle révélationnel. Elles participent, avec le don de prophétie, à cette communication de l'Esprit qui était donnée aux premiers croyants dans cette période particulière où l'Eglise posaient ses fondements. Les "langues" étaient en quelque sorte une autre forme de la prophétie ... une prophétie en un langage obscur, parce qu'inconnu, et qui demandait à être interprété ou traduit en langage clair.
 
2 : cette révélation en langage inconnu était donnée par Dieu de cette manière pour accomplir la prophétie d'Esaïe 28/11. Les "langues" signifient que la révélation de Dieu échappent à Israël à cause de son incrédulité (1 Corinthiens 14/21,22). Elles jouent un rôle semblable à celui des paraboles avec lesquelles Jésus enseignait les foules, et annoncent l'ouverture du "temps des nations".
 
Ainsi posé, et le texte d'Actes 2 devenant référence pour tous les cas de figure, il va de soi que ce don des langues est défini comme un don extraordinaire où un homme se met en quelque sorte à prophétiser en une langue véritable qu'il n'a pas apprise. Le jugement d'Israël étant chose entendue à la fin du ler siècle, ce don miraculeux n'avait aucune raison de se poursuivre au-delà.
 
Cette explication, pour être satisfaisante sur le plan systématique, ne rend pourtant pas compte d'un certain nombre de textes. Si donc le deuxième paramètre est bien fondé exégétiquement, il n'en est pas de même du premier !
 
Les "langues" comme phénomène de piété
 
Les "langues" avaient-elles réellement un rôle révélationnel ? Il est permis d'en douter.
Non seulement aucune phrase, aucune parole du Nouveau Testament ne se présente comme ayant été reçue par le canal d'un message en langues interprété, mais encore certaines affirmations de l'apôtre Paul semblent prendre le contre-pied de cette position. En 1 Corinthiens 14/2 et 28, l'apôtre dit expressément que celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes mais à Dieu. Plutôt que de révélation des mystères de Dieu, il vaudrait mieux parler d'une prière mystérieuse. Au verset 4, il est question d'une auto-édification.
Tout cela nous détourne d'une conception des "langues" comme proclamation et nous oriente vers un phénomène de piété, une forme de la relation personnelle et vivante qui unit le croyant à Dieu. Dans les versets 14, 15 et 17, l'apôtre n'hésite pas d'ailleurs à parler d'une "prière" en langues, d'une louange qu'il appelle tout de suite après prière "par l'esprit", nous informant par la-même qu'il y avait aussi des chants "par l'esprit", c'est-à- dire des chants en langues.
Plus encore, nous découvrons, toujours dans ce même chapitre, une opposition entre les "langues" et tout ce qui véhicule une forme de révélation (v.6). Enfin, dans les versets 14 et 15, on doit comprendre que la prière en langues édifie celui qui la prononce alors même qu'aucun message conceptuel n'est saisi par son intelligence (cf. "mon intelligence est stérile").
Si donc nous maintenons que les "langues" sont d'abord le phénomène par lequel est signifié le jugement d'Israël, nous rejetons l'idée selon laquelle elles étaient un moyen de révélation et nous lui substituons cet autre paramètre : les langues" néo-testamentaires sont une des manifestations produites par l'Esprit-Saint dans le cadre de la relation nouvelle, libre et personnelle que le croyant a avec son Dieu. Elles contribuent à l'édification du fidèle sans pour autant véhiculer un sens objectif qui serait clairement perçu par celui-là même qui prie de cette manière.
 
Selon cette nouvelle perspective, il n'est pas nécessaire de maintenir l'idée que le parler en langues du Nouveau Testament serait une xénoglossie, c'est-à-dire un don extraordinaire, une sorte de miracle permanent. Les "langues", la prière "par l'esprit" sont un langage, mais pas nécessairement des langues humaines avec les règles strictes qui les caractérisent.
Bien évidemment, l'événement d'Actes 2 a, lui, un caractère "miraculeux". Il s'agit selon toute vraisemblance d'une xénoglossie puisqu'on nous signale que chacun entendait parler des merveilles de Dieu dans sa propre langue. Mais nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament, on ne nous décrit un phénomène semblable. Jamais un païen ne comprendra par lui-même un parler un langues qui aurait été sa langue d'origine. L'événement d'Actes 2 est unique, comme est unique, et une fois pour toutes, la descente du Saint-Esprit sur l'Eglise. Partout ailleurs, lorsqu'il est question du don des langues, l'évidence textuelle accrédite plutôt un phénomène de glossolalie que de xénoglossie. Peut-être l'apôtre Paul était-il conscient de cette double réalité lorsqu'il a parlé des ,langues des hommes et des anges" ?
 
Communication verbale et non verbale
 
La Bible est pleine d'exemples qui nous montrent que les méthodes de communication entre Dieu et les hommes, et entre les hommes et Dieu, prennent des formes très diversifiées.  
 
Les cieux racontent la gloire de Dieu dans le langage qui est le leur, et nous savons que les paraboles elles-mêmes communiquent, mais de manière indirecte, non par une approche qui veut satisfaire uniquement l'intellect, mais par une visée sur l'être profond, sur l'home global dans le tout de son incarnation. De plus, nous communiquons les uns avec les autres autant par l'être et la manière d'être que par le dire3. Dès lors, il n'est pas surprenant de relever, comme le fait l'apôtre Paul en Romains 8/26, que la prière dans l'Esprit peut aussi bien s'exprimer par des "soupirs" ou "gémissements" que par des paroles. "Et Dieu qui voit dans les coeurs comprend ce que l'Esprit-Saint veut demander" (v.27).
 
Il y a communication au-delà, ou en deça, de l'expression verbale. Ainsi on peut comprendre que la prière "en langues", tout en ne véhiculant aucun concept, puisse édifier la personne qui la prononce dès lors que par là elle vit une relation authentique avec Dieu par l'Esprit.
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(3). - on notera que les arts, qui ont aussi une place dans l'expression de la foi, représentent une saisie organisée de cette communication implicite.
 
 
Le don d'interprétation ou la nécessité du langage conceptuel pour grandir
 
Le danger consisterait à croire que ce langage non conceptuel serait finalement supérieur à l'expression verbale organisée à cause de la séduction du "mystère" qui l'entoure. En réalité, l'appel que lance l'apôtre Paul aux Corinthiens, afin qu'ils recherchent le don de prophétie ou celui d'interprétation, est la démonstration du contraire. Si le croyant peut vivre une réelle édification personnelle par le moyen des "langues", il n'en ressort pas moins que l'Eglise ne peut s'édifier, ne peut grandir, ne peut se construire par ce moyen. Pour édifier le corps de Christ, l'apôtre préfère dire cinq mots intelligibles que 10 000 en langues !
 
La foi vient de ce que l'on entend, et la Parole de Dieu nous est donnée en dernier lieu dans un langage clair et organisé. Autrement dit, s'il est vrai que l'Esprit vient au secours de notre faiblesse pour nous permettre une relation même là où il n'y a pas la rigueur du langage conceptuel, il ne s'en suit pas que nous devrions nous complaire dans cette sorte de piété uniquement affective ou émotionnelle, ce qui serait alors la marque d'une enfance spirituelle (1 Corinthiens 14/20). Là où la trompette peut rendre un son clair, grâce à la connaissance qui nous est donnée par l'Ecriture Sainte, nous devons nous atteler, nous aussi, à dire les  paroles de la foi d'une manière organisée et claire.
D'où l'exhortation au don d'interprétation. Ce dernier n'est pas une traduction, au sens classique de ce mot, mais une saisie en langage conceptuel d'un message sous-jacent à la production des "langues". Le don d'interprétation révèle ainsi la nécessité toujours présente d'une relation entre le vécu intuitif et une certaine reprise consciente et organisée.
Il est vrai pourtant que les "soupirs" comme les "langues" permettent d'une certaine manière de "dire" l'inexprimable. Ils rendent manifeste une sorte de crise où l'espérance dépasse la connaissance et la compréhension. En ce sens, il n'est pas surprenant de voir ces phénomènes abonder là où l'instruction chrétienne est encore faible (Corinthe) et chaque fois qu'un réveil de la foi surgit au sein d'une Eglise décadente incapable de fournir un discours opérant et organisé pouvant instruire les acteurs du réveil. A l'évidence également, le milieu culturel joue un rôle non négligeable dans leur apparition. Que les Corinthiens aient abusé de la pratique des langues peut s'expliquer par l'influence des cultes païens où la pratique de la divination "en langues" est attestée. De même aujourd'hui, l'émergence des langues va de pair avec la civilisation de "la parole humiliée".
 
En conclusion, nous nous prononçons de manière positive vis-à-vis des deux questions introductives.
 
Oui, les langues actuelles sont de même nature que les langues bibliques. Elles n'ont rien à voir avec un phénomène miraculeux (au sens d'extraordinaire), elles entrent dans le cadre des motifs qui nourrissent la piété.
 
Oui, avec d'autres formes d'expressions, les "langues" manifestent la nécessité toujours actuelle d'une communication non conceptuelle dans le domaine de la foi, comme c'est le cas dans celui des simples relations humaines.
 
Nous terminerons par deux remarques :
 
Il va de soi que le don des langues n'étant ni un don extraordinaire ni une forme de révélation, celui-ci peut perdurer au-delà de la période apostolique, même si sa signification originelle vis-à-vis d'Israël a perdu de sa nouveauté.
 
Enfin, reconnaître que les "langues" actuelles sont de même nature que celles de l'époque apostolique n'implique pas qu'on leur accorde un intérêt et un rôle prééminents dans l'Eglise.
 
N'oublions jamais ces deux principes : premièrement les "langues" ont leur place légitime dans la piété privée et non dans les assemblées de l'Eglise, et deuxièmement, les "langues" ne peuvent être considérées comme un but à atteindre vu qu'elles sont toujours présentées comme une expression mineure qu'il faut savoir dépasser par une communication en langage clair et intelligible.
 
 
THESES SUR LE DON DES LANGUES
 
1. Le parler en langues que l'on observe dans les mouvements charismatique ou pentecôtiste est de même nature que celui qui était pratiqué dans l'Eglise de Corinthe.
 
2. Il s'agit d'une forme spontanée de la prière où la relation vivante du croyant avec son Dieu se traduit par une émission libre de sons qui ne forment pas, à proprement parler, une langue avec son réseau de signes codés.
 
3. Ce don, qui s'inscrit au départ sur une faculté naturelle du psychisme humain, peut être utilisé par l'Esprit-Saint comme une légitime expression de la foi (l Corinthiens 14/18). Celle-ci ne saurait pourtant être imposée comme une norme de la vie dans l'Esprit (I Corinthiens 12/30).
 
4. En fait, l'apôtre insiste sur le caractère mineur de ce don en engageant celui qui le pratique à transposer son vécu intérieur dans un langage clair et édifiant pour tous (I Corinthiens 14/13).
 
5. Si Paul le tolère, sous certaines conditions, dans l'assemblée de Corinthe (encore en état d'enfance), nous pouvons conclure que dans la mesure où l'on peut faire autrement, il vaut mieux l'éliminer de tous les rassemblements publics de l'Église (1 Corinthiens 14/23).
 
6. Au-delà du seul "parler en langues", cette pratique met l'accent sur la nécessité qu'il y a à vivre et à enseigner une piété qui inclut l'être tout entier et non seulement son intellect.
 

 
 
Le don de guérir, ou le don de guérison, est mentionné dans la liste des pneumatika (manifestations de l'Esprit) ou des charismata (dons de grâce) de 1 Corinthiens 12 (v.9 et v.28).
 
Mais contrairement à la pratique des langues, la guérison n'est pas limitée au cadre technique des charismes ni même au cadre de la Nouvelle Alliance. Tout au long de son histoire, Israël a fait l'expérience que Dieu est un Dieu Sauveur. Si ce salut est exprimé fréquemment sur le plan d'une délivrance politique (avec l'événement-clef de la sortie d'Egypte), d'une victoire militaire, il est aussi vis-à-vis de l'agression que constitue la maladie (Exode 15/26 ; Psaume 103/3).
 
Ainsi, l'oeuvre du salut que le Messie doit accomplir en Israël s'accompagne inévitablement de manifestations de guérison : les sourds entendront, les aveugles se mettront à voir (Esaïe 29/18) et les boiteux marcheront (Esaïe 35/5,6). La proximité est telle entre la notion de salut et celle de guérison que dans le vocabulaire biblique le verbe guérir peut s'appliquer à une réalité spirituelle (Esaïe 6/10 ; Jérémie 51/9) tandis que sauver peut désigner une guérison physique (Marc 3/4 ; 5/34 ; Jacques 5/15...).
 
On relèvera également que la maladie est conçue quelquefois comme une petite mort, de telle sorte que celui qui est guéri a le sentiment d'être rendu à la vie (Psaume 30/4). Dans la même logique, et sans nier la brisure qui sépare la mort de l'état de maladie, à plusieurs reprises des réanimations de défunts viennent montrer le caractère total du salut de Dieu, son pouvoir de guérison est sans limite.
 
Et c'est ici que nous mesurons bien l'incidence théologique de la guérison. La mort étant la sanction originelle qui touche toute l'humanité en Adam, le détournement de la mort, voire de son prélude, la maladie, est un acte qui annonce la restauration finale, c'est un signe du Dieu qui sauve. Mais il ne faut en aucune manière déduire de cela que le temps de cette restauration est arrivé. Contrairement à ce que disaient Hyménée et Phîlète, notre résurrection n'a pas encore eu lieu 1 (Cf. II Timothée 2/18).   Ainsi, la guérison ne peut en aucune manière être un phénomène normal et systématique au sein de l'Eglise de Jésus-Christ. C'est, et cela restera jusqu'au jour de la résurrection finale, un événement de la grâce distribué par Dieu selon le bon vouloir de son Conseil secret (Il Corinthiens 12/9).
 
Les guérisons de Jésus dans les Evangiles
 
Ceci dit, la fréquence des guérisons tout au long du ministère de Jésus, ainsi que dans les débuts de I'Eglise à Jérusalem ; l'existence également d'un "don de guérisons" qui semble lié à une personne, tout cela réclame une analyse subséquente.
 
La première constatation qui s'impose c'est que le Seigneur Jésus n'a pratiquement jamais refusé une guérison à celle ou celui qui la lui demandait. Certes, on ne soutiendra pas qu'il ait guéri toute la Galilée durant le temps de son ministère terrestre, mais il a accueilli favorablement toutes les demandes, même indirectes (Cf. Jean 5/6,7) et toutes ont été exaucées. Les guérisons ont été totales, la plupart d'entre elles étant constatables par tous.
 
Excepté peut-être les premières années après l'Ascension du Seigneur, jamais l'Eglise n'a connu un ministère de ce type. Même dans les milieux où l'on met l'accent sur le fait que Jésus guérit, on est bien obligé de constater que très souvent le Seigneur n'accorde pas la guérison attendue. Pour expliquer le phénomène, on accuse quelquefois l'Eglise et son peu de consécration, le malade et son manque de foi ... mais la plupart du temps on se tait pudiquement.
 
La solution existe pourtant : c'est tout simplement que le Seigneur ne veut pas agir maintenant de la même manière que durant son ministère terrestre. La guérison n'est pas un dû de la grâce.
 
Dans l'Ancien Testament déjà, nous constatons que tels prophètes comme Elie ou Elisée ont agi avec le secours de manifestations miraculeuses et notamment des guérisons, tels autres comme Jérémie ont vécu leur ministère sans de pareils supports. Jérémie n'était pourtant pas moins spirituel que ses aînés, mais sa vocation était autre.
 
Lorsque le Messie d'Israël apparaît, soudain les guérisons abondent. Il est dans le mandat du Fils d'accomplir des guérisons (Luc 4/18). Lorsque Dieu s'incarne, la grâce s'incarne, elle se manifeste dans la chair et les guérisons pleuvent. Jésus est donc bien, dans sa chair, le Sauveur promis de Dieu. Lorsque Jean-Baptiste, du fond de sa cellule, aura un doute sur la messianité de Jésus, nous connaissons la réponse du Seigneur (Matthieu 11/5). C'est ici la clef qui permet de comprendre le caractère particulier du temps où Jésus accomplissait son ministère. Par l'ensemble de son activité et notamment par ses guérisons, il révélait à Israël à la fois sa messianité et sa divinité (Jean 10/38 ; 14/11). Par le salut qui s'incarnait dans le corps de tant de malades et d'infirmes, Israël devait savoir que le Sauveur était là. Jésus était conscient que sa présence physique au milieu de son peuple lui ouvrait une perspective de travail particulière qui allait s'achever avec son départ de ce monde (jean 9/4,5 et Luc 13/32).
 
Nous affirmons donc que la vocation du Christ à guérir les malades est liée à son incarnation et qu'elle ne saurait se poursuivre de la même manière après son Ascension.
 
Les apôtres, vecteurs du don de guérison
 
Comment maintenant rendre compte de l'activité de guérison dans l'Eglise primitive ?
 
La première des choses c'est de constater, en fait, combien les guérisons et les miracles sont liés aux apôtres ; le livre des Actes signale le fait en permanence (Actes 2/43 ; 3/6,7 ; 5/12 ; 5/15,16 ; 9/34 ; 13/11 ; 14/3 ; 14/9,10 ; 16/18 ; 19/11,12 ; 28/5,6).
 
Nous rejoignons donc ici une thèse largement soutenue, à savoir que ce don fait partie des signes apostoliques que le Seigneur a donnés à ceux qu'il a choisis pour exercer la charge apostolique (Hébreux 2/4 ; Matthieu 10/1 ; 10/7,8 ; II Corinthiens 12/12).
 
Or cette charge apostolique implique une poursuite du ministère fondateur du Christ. Pour ce faire, les apôtres ont incarné l'autorité du Christ dans de multiples domaines (contre le mensonge, la maladie, la mort, les démons) afin que leurs paroles soient entendues et reçues comme étant les paroles mêmes de Dieu.
 
Ceci dit, il n'est pas correct de soutenir que seuls les apôtres ont pu exercer un pouvoir de guérison puisque justement le texte de 1 Corinthiens 12 fait ressortir que ceux qui ont le don des miracles ou les dons de guérisons peuvent être distincts des apôtres. En fait, l'Eglise naissante tout entière a été au bénéfice de la présence des apôtres de telle sorte qu'elle a pu agir et parler de manière comparable au dire et au faire des apôtres. Ainsi nous dirions que le don de guérir est lié et découle de la présence vivante des apôtres dans l'Eglise. Un tel phénomène de dépendance par rapport à des personnes "sur-douées" par Dieu trouve des parallèles ailleurs dans l'Ecriture. L'exemple le plus parlant pour notre propos est celui de Nombres 11/17-25 où le don de prophétie est donné temporairement à un groupe à partir du prophète par excellence qu'était Moïse.
 
Conclusion
 
Affirmer cette thèse ne veut pas dire que l'on dénie à Dieu la possibilité d'agir par des guérisons dans l'Église post-apostolique. Mais la différence essentielle c'est que celles-ci ne sont plus liées à un ministère d'autorité.
 
Dieu peut guérir en réponse à la prière de son peuple, et la lettre de Jacques (5/13-18) nous invite à vivre cet acte avec une grande confiance. Mais ce qui n'est plus d'actualité c'est cette prise d'autorité sur la maladie que nous voyons dans le ministère de Jésus et dans celui des apôtres.
 
En conséquence, aucun chrétien ne peut prétendre à un ministère de ce genre aujourd'hui. Les témoignages de leaders qui prétendent exercer une telle vocation sont lourds d'ambiguïté, de silence et souvent d'auto-persuasion. Céder à leur message sous l'immense besoin de guérison, psychologique et physique, que l'on peut connaître en soi-même ou autour de soi, c'est s'engager sur un chemin très périlleux. Perpétuer le ministère de guérison du Seigneur, c'est jeter un voile d'illusion sur la réalité de la souffrance, c'est nier sa fonction dans l'ordre de la Rédemption, c'est finalement s'exposer à de telles déceptions qu'il sera difficile d'en ressortir vainqueur.
 
 
THESES SUR LE DON DE GUERISON
 
1. La maladie et la mort sont les conséquence de la faute en Adam. Ces conséquences demeurent et demeureront jusqu'à la restauration de toutes choses.
 
2. La guérison (physique et psychologique) est un signe de salut que Dieu gère dans sa souveraineté. Elle n'est pas un dû de la grâce.
 
3. Le ministère de guérison de Jésus et des apôtres n'est pas transposable au-delà de la période fondatrice. Il avait pour rôle d'établir la messianité du Christ et d'appuyer l'autorité des paroles apostoliques.
 
4. La prière pour les malades est pourtant légitime. Elle s'appuie sur la bontê de Dieu qui veut le meilleur pour ses enfants, mais non pas sur une prétendue autorité que des chrétiens pourraient avoir reçue sur la maladie.
 
5. L'accent porté dans certains milieux sur la guérison divine a des effets dangereux en ce qu'il déplace le centre d'intérêt du message évangélique et entraîne les fidèles sur des chemins d'illusion qui peuvent un jour se révéler particulièrement destructeurs pour la foi.
 
 
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