Fiche n° 8
“ Les bases théologiques qui définissent notre
identité et qui nous rassemblent ”
LE BAPTÊME
sacrement de
l’Alliance
Dans le souci d’une lecture globale des
Ecritures, cette fiche présente tout d’abord les textes bibliques du Nouveau
Testament sur le baptême, pour ensuite
s’élargir aux passages de l’Ancien Testament au sujet de l’alliance de grâce.
Le baptême signifie l’entrée dans cette alliance, l’appartenance au peuple de
la promesse. Il s’applique aux adultes convertis et à leurs enfants. Il ne
peut ni se réduire à la réponse des individus à l’Evangile, ni constituer le
sceau indélébile de l’élection au salut.
Jésus lui-même
a institué la pratique du baptême pour l’Eglise juste avant son ascension, au
moment d’envoyer ses apôtres en mission dans le monde (Matt 28.18-20). La
signification du baptême chrétien est précisée dans les épîtres ; la voici
brièvement rappelée.
1. Unis à Jésus-Christ (Matt 3.13-17 ; Rom 6.3-11 ; Col 2.11-15)
Le
baptême chrétien renvoie à l’œuvre du salut accompli par Jésus-Christ, mort et
ressuscité pour nous. Il symbolise le lien spirituel par lequel nous sommes
unis à lui, comme une même plante, et mis au bénéfice des bienfaits de
son œuvre : la mort au péché et la marche en nouveauté de vie, marche qui
est présentée comme la finalité et non le préalable du baptême (Rom 6.11). Par
son baptême, Jésus s’est uni à nous pour nous accorder sa justice ; lors
de notre baptême, c’est comme si le Père nous disait : tu es mon fils
bien-aimé.
2. Passage et Salut (1 Pi 3.19-22 ; 1 Cor 10.1-5)
Comme l’arche
au temps de Noé, le baptême est signe du salut qui nous engage sur la voie
d'une relation restaurée avec Dieu. Le baptême est également passage de
l’esclavage à la liberté, symbolisé par la traversée de la mer Rouge pour
Israël.
3. Baptême d’eau et baptême d’Esprit (Matt
3.11 ; Marc 1.8 ; Luc 3.16)
L’essentiel
n’est pas le baptême d’eau, mais celui de l’Esprit dont il témoigne. L’un et
l’autre peuvent être simultanés, dans le cas de certains adultes, mais aussi
différés, en particulier pour les enfants. C’est Jésus-Christ qui envoie
l’Esprit, comme l’a indiqué Jean-Baptiste (Marc 1.8). Avec le
Père, il vient faire sa demeure chez les croyants (Jean 14.17 ; Rom 8.9-11).
Dans nos Eglises, on ne retient comme sacrements ou signes que le baptême et la cène car eux seuls ont en commun les trois éléments suivants :
1. ils renvoient à l’œuvre du salut accompli par Jésus-Christ ;
2. ils ont été institués par un ordre du Christ et concernent l’ensemble de l'Eglise ;
3. ils sont des signes visibles (utilisant des supports matériels) d'une grâce invisible.
Ces sacrements – qui ont chacun leurs accents spécifiques – étaient préfigurés dans l’Ancien Testament par la circoncision, marque d’appartenance reprise dans le baptême, et le repas de la Pâque, à partir duquel Jésus instituera la sainte cène. Comme la circoncision, le baptême est le signe de l’intégration à l’alliance de grâce. C’est pour cela qu’il est unique et ne saurait être répété sans être dénaturé.
A cause de la conception catholique des sacrements sensiblement différente de la nôtre, on hésite parfois à utiliser le terme “ sacrement ”. Il vient en fait du latin sacramentum, utilisé dans la Vulgate pour traduire le mot grec qui a donné mystère dans Ephésiens 5.32. Il rappelle donc le caractère sacré et insondable de l'action de l'Esprit. On peut également utiliser le terme de signe, peut-être moins ambigu, mais plus restreint.
4. Croissance (Eph 4.5 ; 5.26-27)
Le
baptême n'est pas seulement un acte accompli sur un individu à un moment donné,
c'est aussi une réalité théologique donnée à l'Eglise tout entière. C'est la
raison pour laquelle le baptême constitue un des fondements de l’unité
spirituelle indispensable dans le processus de croissance du Corps de Christ et
qu’il est aussi signe d’appartenance à l’Eglise.
Cette fiche s'applique à présenter la spécificité de la
conception réformée confessante sur la délicate question du baptême, en
espérant faire preuve de suffisamment de clarté et de souplesse pour rassembler
sans déformer. Une lecture globale des Ecritures amène à ne pas négliger le
contexte de l’Ancien Testament pour avoir une juste compréhension du baptême.
Une notion fondamentale traverse l’ensemble de la Bible et constitue le cadre
dans lequel le baptême prend place : l’alliance de grâce.
1.
Une promesse spécifique et personnelle
Entre l’appel à la foi adressé à tout homme pour son salut
et l’élection[1] au
salut, vient s’intercaler l’alliance de grâce que Dieu a pris l’initiative de
passer avec un peuple particulier : Israël dans l’Ancien Testament et
l’Eglise dans le Nouveau. De génération en génération, Dieu adresse aux
individus qui composent ce peuple une promesse spécifique et personnelle qui
les distingue du reste des hommes. C’est de cette promesse que le baptême est
le signe. L’alliance de grâce constitue le cadre normal permettant à la fois de
jouir des bienfaits du salut (reçu ou promis) et d’en témoigner au monde (cf.
1 Pi 2.9).
Si tous
s’accordent pour affirmer que le baptême renvoie à la grâce de Dieu manifestée
en Jésus-Christ et qu’il est le signe du lien qui existe entre le baptisé et
cette grâce (cf. Rom 6.3-9), la théologie réformée précise que le
baptême est avant tout signe de la grâce promise et non de la grâce reçue. Elle
se distingue en cela de la théologie catholique, pour qui la grâce salvatrice
est reçue simultanément au baptême d’eau. Mais aussi de la théologie
évangélique pour qui la conversion doit nécessairement précéder le baptême.
Cette
compréhension du baptême comme signe de la grâce promise s’applique aux
personnes de tout âge. Pour les enfants, en leur offrant un cadre favorable à
l’émergence de la foi. Mais aussi pour les adultes, en présentant leur sanctification comme la réalisation des
promesses et la mise en application des engagements du baptême.
La
grâce signifiée dans le baptême ne se réfère pas à la promesse universelle et
impersonnelle fondatrice de l’évangélisation (Jean 3.16), mais à la promesse
particulière et personnelle par laquelle ceux que Dieu appelle sont constitués
en peuple de l’alliance (Act 2.39).
2.
Alliance de grâce et élection au salut
L’alliance
de grâce est donc le cadre normal dans lequel se réalisent l’appel et la
promesse de Dieu ici-bas. Elle est le “ tremplin de l’élection ”.
Mais on ne saurait confondre alliance et élection. Tout d’abord parce que le
cercle des élus est plus restreint que celui des appelés (Matt 22.14) et
ensuite parce que l’alliance de grâce, elle, peut être rompue par
l’incrédulité. C’est ce que Jésus indique dans la parabole du cep : si
quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, et il
sèche ; puis l’on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent (Jean
15.6, cf. Hébr 10.29). Il parle ici le langage de
l’alliance, qui inclut tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont été
appelés. C’est un langage responsabilisant, mais aussi dissymétrique, dans ce
sens que la rupture de l’alliance n’échoit qu’à la faute de l’homme tandis que
le respect de l’alliance ne peut exister sans le secours divin : celui
qui demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruit, car sans moi,
vous ne pouvez rien faire (Jean 15.5).
Cette
dissymétrie tient au fait que l’élection au salut ne peut être rendue caduque
par la volonté humaine, comme l’affirme Jésus dans une autre parabole :
mes brebis écoutent ma voix ; je les connais et elles me suivent. Je leur donne
la vie éternelle, elles ne seront jamais perdues et personne ne les arrachera
de ma main (Jean 10. 27-28). C’est le langage très encourageant de
l’élection. Le salut est l’accomplissement de l’alliance de grâce,
de la promesse signifiée dans le baptême. De même que la circoncision de la
chair était le sceau de la promesse appelée à se réaliser par la circoncision
du cœur, le baptême d’eau est le sceau de la promesse qui se réalise par le
baptême de l’Esprit (cf. Marc 1.8 ; Act 2.38.). C’est l’Esprit-saint qui
accomplit ce que Paul appelle “ la circoncision du Christ ” dans la
vie du croyant (cf. Col 2.11ss).
3.
Une alliance qui engage
Ainsi,
le peuple de l’alliance – constitué des
baptisés – est mis à part du reste des
hommes, mais ne peut être assimilé au rassemblement des élus. Il reçoit un
appel et des promesses auxquels chacun de ses membres est exhorté à répondre
tout au long de sa vie. Entre l’acte du baptême et l’habitation du Saint-Esprit
en plénitude, chez l’enfant et chez l’adulte, prend place l’histoire de chacun,
avec ses obéissances et ses infidélités. C’est le temps de l’accomplissement
des promesses baptismales et de l’obéissance aux commandements divins. Le temps
de l’accompagnement pastoral et de la prédication–exhortation, à la suite des
prophètes et des apôtres, pour la croissance du Corps de Christ.
Si
cette obéissance est une conséquence et non une condition de la promesse
signifiée dans le baptême, elle n’est pas du tout facultative. Elle interpelle
tous les membres de l’alliance de grâce : -
en éduquant et en instruisant les enfants ;
- en exhortant les adultes ;
- en adressant à ceux qui restent en
retrait de la vie dans l’alliance une interpellation ou un appel à la
conversion.
La
réponse humaine à l’alliance peut faire défection, mais pas l’appel de Dieu (2
Tim 2.13). Si l’engagement humain dans l’alliance est faillible, celui de Dieu
est indéfectible. C’est cette double réalité qui donne à la vie dans l’alliance
toute sa dynamique. Elle est porteuse d’espérance (Jean 10.28) mais aussi
d’avertissements (Jean 15.6). Elle accorde à ses membres le privilège de goûter
les fruits de la rédemption, en primeur pour les enfants de croyants, et elle
les invite à faire connaître les bienfaits de la rédemption aux hommes.
C’est
toute la dimension du témoignage, de l’appel à briller comme des flambeaux
dans le monde (Phil 2.15) attendu des disciples du Christ (cf. Matt
5.13-16). Cette vision du baptême comme signe des promesses divines ne vient
pas court-circuiter l’itinéraire des chrétiens. Au contraire, elle lui donne un
juste équilibre : la réalité du baptême est toujours à vivre en réponse active
à la grâce (Eph 2.10). L’initiative divine n’annule pas l’engagement humain,
elle le rend possible et durable (Jean 15.16).
III. LES QUESTIONS PRATIQUES[2]
1. Le baptême des enfants : concession ou
marque de fidélité ?
En réalité,
les Eglises réformées ne sont pas restées pédobaptistes parce qu’elles
n’auraient pas appliqué jusqu’au bout les principes liés à la redécouverte de
la justification par la foi seule. C’est sur une base biblique étayée qu’elles
appuient leur pratique. Elles se distancent clairement de la conception
catholicisante du baptême comme moyen efficace – ou automatique –
de salut. Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de noter que certaines Eglises
évangéliques baptisent également les petits enfants. Les alternatives qui sont
parfois proposées sont à examiner avec attention.[3]
2. Acceptation ou refus : quels
critères ?
Les
Eglises de tradition réformée posent-elles des critères suffisamment clairs
pour l’acceptation au baptême ? Il faut tout d’abord reconnaître que
refuser une demande, en estimant qu’elle est infondée, est délicat. Dire non
sans fermer la porte, tenir compte d’un certain cheminement spirituel sans pour
autant acquiescer à une telle requête exige du discernement et de l’amour (cf. Marc 10.21 et la fiche n° 13 : “ La
vérité dans l’amour ”). Il faut donc veiller à présenter des critères
clairs à toute personne demandant le baptême pour elle ou pour ses
enfants ; il y en a principalement trois[4] :
- l’adhésion
à la confession de foi de l’Eglise ;
-
le désir de mener une vie conforme aux principes évangéliques ;
- la
participation effective à la vie de l’Eglise.
Les
exemples bibliques de baptêmes respectent à la fois la clarté des critères et
la variété des cheminements personnels (Act 2.41 ; 8.12s, 36s ;
10.47s ; 16.15,32s ; 19.5s).
Dans
la conception réformée fidèle à la théologie de l’alliance, les destinataires
du baptême sont, selon l’expression consacrée, “ les fidèles et les
enfants des fidèles ” S’il est regrettable que le baptême soit parfois
administré à des enfants dont aucun des parents ne répond aux critères,
c’est-à-dire sans exercer la discipline dans l’Eglise, cela ne justifie en rien
“ l’abstinence baptismale ” de certains fidèles envers leur
progéniture. La non-fidélité de certains ne saurait excuser la non-pratique
d’un commandement du Christ par les chrétiens engagés.
3. En Eglise
D’une manière
générale, le baptême, qui constitue l’entrée dans le peuple de l’alliance, a un
caractère public et ecclésial. Nos églises insistent sur cette double dimension
pour éviter les dérives de “ baptêmes ” administrés sans lien avec une
communauté. Car bien que le baptême relève d’une démarche personnelle, il a une
dimension communautaire évidente ; il en est de même pour toute la vie
chrétienne (cf. fiche n° 10, Notre vie chrétienne). Il ne faut pas
confondre foi personnelle et individualisme : nous sommes membres d’un
même corps, et il n’est pas sage de s’en tenir à l’écart (cf. 1 Cor
12.12-31. Eph 4.11-16. Hébr 10.35s).
4. Immersion ou aspersion ?
Bien
qu’encourageant le baptême par aspersion, notre Discipline n’en fait pas une
règle stricte car la question du mode est secondaire. Il faut néanmoins
remarquer que le terme “ baptême ” ne signifie pas invariablement
immersion. L’allusion aux Israélites baptisés en Moïse dans la nuée et dans
la mer (1 Cor 10.2) serait autrement difficile à saisir. Le mode de
l’aspersion renvoie à l’aspersion du sang des sacrifices (cf. Ex 24.8.
Hébr 9.19s) et d’une eau pure (Ezék 36.25) sous l’ancienne disposition de
l’alliance et à l’Esprit répandu sur les croyants, au baptême du Saint-Esprit.
Le mode de l’immersion souligne davantage l’idée d’être ensevelis avec
Christ en sa mort. Il est bon de donner du sens aux gestes accomplis, tant
qu’on ne leur accorde pas une valeur essentielle.
5. La vraie question
Pour
conclure, l’essentiel n’est évidemment pas dans les formes mais dans le sens
profond du baptême, à enseigner, à confesser, à vivre ; la citation en
encadré nous y renvoie.
“ Nous n’obtenons pas autre chose du baptême que ce que nous en
recevons par la foi. Si la foi est absente, il sera de notre part un témoignage
d’ingratitude qui nous accusera devant Dieu de ne pas avoir cru en la promesse
contenue dans le sacrement. Mais comme le baptême est le signe et l’emblème de
notre foi, nous devons attester par lui que notre confiance est dans la
miséricorde de Dieu, notre pureté dans la rémission des péchés que nous avons
en Jésus-Christ, et marquer que nous entrons dans l’Eglise de Dieu afin qu’en
union et consentement de foi et d’amour, nous vivions d’un même cœur avec tous
les fidèles. ” Jean Calvin, Institution Chrétienne, Livre IV,
chapitre 15, § 15
[1] Le salut réalisé manifeste l’élection divine, et Dieu seul en a connaissance (cf. 2 Tim 2.19 et fiche n° 5 “ Qui est sauvé ? ”).
[2] Voir aussi Baptisez-les, Cahier de Lumière des Hommes et, dans la Discipline de l’Union Nationale des Eglises Réformées Evangéliques, les articles relatifs au baptême (Titre A, Section I, Chapitre V, Articles 12 à 22).
[3] En ce qui concerne la présentation d’enfants, nos Eglises ne refusent pas
d’accompagner les personnes qui tiennent à ce mode de cérémonie, soit par
conviction évangélique, soit pour prendre en compte un cheminement personnel
qui ne permet pas encore d’envisager le baptême. Dans tous les cas, la
présentation est liée à l’acte d’intercession dans le culte.
En règle générale, il y a chez nous reconnaissance du baptême pratiqué dans les autres Eglises et refus du re-baptême. Chaque préparation nécessite un réel souci pastoral pour que cheminements personnels et principes théologiques s’harmonisent au mieux.
[4] Voir aussi les conditions pour être membre de nos Eglises, la première stipulant : “ en réponse à l’appel de Dieu, croire en Jésus-christ, divin Chef de l’Eglise, mort et ressuscité pour nous ; vouloir, avec l’aide du Saint-Esprit, grandir et se fortifier dans la crainte du Seigneur et vouloir vivre selon les préceptes de l’Evangile. ”