Fiche n° 1

 

“ Les bases théologiques qui définissent notre identité et qui nous rassemblent ”

 


 

 

LA BIBLE

PAROLE DE DIEU POUR L’HOMME

 

 

 

 “ Nous croyons et confessons qu’il y a un seul Dieu… C’est ce Dieu qui se fait connaître aux hommes,

Premièrement, par ses œuvres, aussi bien par leur création que par leur conservation et la manière dont il les conduit.

Deuxièmement, et plus clairement encore, par sa Parole qui, au commencement révélée par oracle, a été ensuite rédigée par écrit dans les livres que nous appelons Ecriture Sainte. ” (Confession de La Rochelle, articles 1 et 2)

 

 

La question du statut de la Bible est déterminante pour la définition de la foi et pour la vie de l’Eglise. Si tous les théologiens s’accordent pour reconnaître à la Bible une certaine autorité, tous ne sont pas d’accord pour autant sur la nature de cette autorité, sur la part de divin et d’humain du texte biblique.

 

Pour les Réformateurs, suivant en cela l’enseignement de l’Eglise ancienne, il ne fait aucun doute que la Bible est la Parole de Dieu, la révélation infaillible de Dieu aux hommes. L’autorité de la Bible est celle de Dieu lui-même. Aussi importe-t-il de s’y soumettre et de régler la totalité de la pensée et de la vie de l’Eglise sous son autorité normative : Sola et Tota Scriptura !

 

Mais dans quel sens la Bible est-elle la Parole de Dieu ? La réponse à cette question est à chercher dans la Bible elle-même.

 

 

1. La Bible est inspirée

 

“ Toute Ecriture est inspirée de Dieu… ” (2 Tim 3.16)

 

“ Nous croyons que la Parole qui est contenue dans ces livres a Dieu pour origine, et qu’elle détient son autorité de Dieu seul et non des hommes. ” (Confession de La Rochelle, article 5)

 

La manière dont le Christ concevait l'autorité de l’Ecriture est éclairante. Pour Lui, l’Ancien Testament est revêtu de l’autorité divine, de sorte que l’expression qui revient sans cesse dans sa bouche,  “ il est écrit ”, est synonyme de “ Dieu dit ” : ce que la Bible dit, Dieu le dit ![1]

 

Au témoignage de Jésus vient s’ajouter celui des Apôtres pour lesquels les écrivains sacrés ont été “ poussés par le Saint-Esprit ” dans la rédaction de la Bible (2 Pi 1.19-21), de sorte que l’Ecriture tout entière est inspirée de Dieu, c’est-à-dire formée par le souffle divin lui-même (2 Tim 3.16).[2]

 

Ce qui est vrai pour l’Ancien Testament l’est aussi pour le Nouveau. Jésus a, en effet, annoncé l’inspiration du Nouveau Testament en confiant à ses apôtres l’autorité qui est à la source de la formation du canon biblique (Jean 14.26 ; 16.12ss)[3].

 

Ainsi, l'inspiration s’applique à l’Ecriture dans son ensemble et à chacune de ses parties[4].

 

Deux remarques s'imposent ici.

1. L'inspiration est un don spécial, qui s'inscrit dans le cadre de l'histoire de la révélation et de la rédemption. Elle est accordée à des personnes choisies dans ce but, au moment de la rédaction des Ecritures sous l’action du Saint-Esprit.

 

2. Ce qui ressort de la doctrine réformée classique de l'inspiration, c'est que Dieu est véritablement l'auteur premier de l’Ecriture, de la même façon qu'Il est l'Auteur du Salut. Et cependant, comme dans la conversion où la responsabilité de l'homme est réelle, ce sont des hommes qui ont écrit la Bible, avec leurs “ bagages ” culturels, leurs connaissances du moment, leurs styles et leurs tempéraments. C'est là tout ce qui fait la vraie humanité de l’Ecriture : pleinement divine, et pourtant pleinement humaine.

 

Ainsi, la doctrine de l'inspiration rend compte de la réalité d'un Dieu qui entre en communication avec les hommes en s'accommodant à leurs capacités, sous la forme d'une révélation verbale. Comme pour tout ce qui a trait aux réalités célestes, il s'agit là d'un mystère qui demande à être cru et reçu par la foi. A ce titre, la théologie réformée n'entend aucunement spéculer sur les modalités de l'inspiration, pas plus qu’elle n'entend le faire pour la doctrine de la Trinité ou de la double nature du Christ. Ce qui compte, en définitive, c'est le résultat : les textes ainsi produits du miracle de l'inspiration sont Parole de Dieu en langage humain, pleinement dignes de confiance.

 

2. La Bible est infaillible

 

La doctrine de l’infaillibilité de la Bible va de pair avec celle de l’inspiration. Si Dieu-le Saint-Esprit est bien l’Auteur premier de l’Ecriture, alors celle-ci ne saurait nous induire en erreur en quoi que ce soit : l’infaillibilité-inerrance de la Bible est celle de Dieu lui-même.

 

Par “ infaillibilité ” nous entendons que l’Ecriture est sûre en tout ce qu’elle enseigne, et que tout ce que les écrivains sacrés affirment – sur Dieu, l’homme, le salut, l’histoire…, et non pas seulement sur les vérités d’ordre “ spirituel ” – est entièrement digne de confiance, et mérite notre entier assentiment. Que l’Ecriture soit “ inerrante ” signifie qu’elle est sans erreur, de sorte que “ nul n'aura jamais de quoi s'inscrire en faux contre une assertion de l'Ecriture. ” [5]

 

L’analogie avec la double nature du Christ peut être justement appliquée à la question de l’inerrance et de l’infaillibilité : de même que la pleine humanité du Christ n’enlève rien à sa divinité et à son impeccabilité – le fait d’être sans péché –, l’Ecriture peut être pleinement humaine tout en étant pleinement divine.

 

Dire que la Bible est inerrante et infaillible ne prétend aucunement résoudre tous les problèmes, ni statuer de façon ferme et définitive sur le champ de cette inerrance-infaillibilité[6]. Une juste compréhension de cette doctrine évite deux écueils :

            - le maximalisme, pour lequel l’Ecriture est inerrante jusque dans les plus petits détails scientifiques et historiques, voire jusque dans la traduction et la transmission des textes ;

            - le minimalisme, pour lequel la Bible n’est infaillible que dans un certain nombre de domaines spirituels.

 

3. La Bible est achevée

 

“ Je l'atteste à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre : Si quelqu'un y ajoute, Dieu ajoutera (à son sort) les plaies décrites dans ce livre. Et si quelqu'un retranche des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l'arbre de vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre. ” (Apoc 22.18)

 

En contraste avec le catholicisme romain pour lequel la Tradition de l’Eglise constitue une “ Bible continuée ”, la théologie réformée insiste fortement sur le caractère achevé du Canon de l’Ecriture, en dehors duquel on ne peut fonder aucun article de foi. Le Canon est clos. Comme l’exprime la Confession de La Rochelle : “ Toute l’Ecriture Sainte est contenue dans les livres canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testaments (…) Nous reconnaissons que ces livres sont canoniques et la règle très certaine de notre foi… ”.[7]

 

L’achèvement du Canon et de la révélation est lié au temps apostolique et au temps de l’Incarnation (Hébr 1.1s). Les apôtres, témoins oculaires du Ressuscité, ont été mandatés par le Christ pour la rédaction du Nouveau Testament et l’achèvement du canon de l’Ecriture sainte (Jude 3). A ce titre, il leur a promis l’assistance de l’Esprit de vérité qui garantira la fidélité de leur mémoire et les conduira dans toute la Vérité (Jean 16.12-15 ; Matt 10.40 ; Luc 10.16).

 

C’est ainsi que, tout comme pour l’Ancien Testament avec le peuple d’Israël[8], les livres du Nouveau Testament se sont imposés à l’Eglise des premiers siècles, par le gouvernement providentiel de Dieu et le témoignage intérieur du Saint-Esprit[9].

 

4. La Bible est suffisante

 

“ Cette Parole est la règle de toute vérité et contient tout ce qui est nécessaire au service de Dieu et à notre salut ; il n’est donc pas permis aux hommes , ni même aux anges, d’y rien ajouter, retrancher ou changer. ” (Confession de La Rochelle, article 5)

 

La Bible étant achevée, celle-ci est dès lors suffisante comme révélation de Dieu aux hommes. Elle est le moyen de grâce par excellence par lequel Dieu édifie l’Eglise et rien ne saurait s’y opposer ou s’y ajouter.

 

Dire que la Bible (révélation spéciale) est suffisante ne signifie pas pour autant que celle-ci dise tout sur tout. Elle nous fournit cependant les clés pour sa propre interprétation et pour analyser la réalité qui nous entoure (révélation générale). La révélation générale et la révélation spéciale sont reliées l’une à l’autre de façon complémentaire et organique, de sorte que s’il est exact que ce n’est qu’à travers les “ lunettes ” de l’Ecriture qu’on peut lire le message de la révélation générale, il n’en est pas moins vrai qu’une juste connaissance du monde va nous aider à comprendre et à appliquer avec intelligence le message biblique.

 

5. La Bible est claire

 

“ Tout dans l’Ecriture n’est pas également évident, ni également clair pour tous. Cependant, ce qu’il faut nécessairement connaître, croire et observer en vue du salut est si clairement exposé… que la personne peu instruite, et pas seulement la personne cultivée, peut, sans difficulté, en acquérir une compréhension suffisante. ” (Confession de Westminster, I.7)

 

Les Réformateurs ont souligné la clarté (perspicuitas) de la Bible en contraste avec les théologiens catholiques de leurs temps, pour lesquels l’Ecriture était considérée comme étant trop obscure et difficile pour pouvoir être remise entre toutes les mains.

 

Etant accommodée à notre capacité, la Bible est suffisamment claire pour tout ce qui a trait aux fondements de la foi, de telle sorte que même les moins instruits peuvent y trouver tout ce qui leur est nécessaire pour leur salut.

 

Les ministères d’enseignement donnés par Dieu sont néanmoins indispensables à l’unité et à l’édification de l'Eglise (Eph 4.11-14).

 

Dérives

L’illuminisme : Nier la spécificité de l’inspiration conduit à l'illuminisme, où chacun – ou bien tel ou tel “ maître à penser ” – se prétend “ inspiré ” au même titre que les apôtres. Dans cette perspective, la Bible n’est plus considérée comme la seule norme (Sola Scriptura). Quand d’autres instances ou révélations extra-bibliques viennent s’ajouter, voire s’opposer à la Parole de Dieu, il y a menace de dérive sectaire.

 

Le rationalisme : Nier le caractère d’infaillibilité à la Bible conduit à placer une autorité humaine à côté de l’Ecriture pour déterminer le vrai du faux, le divin de l’humain. La raison humaine prend alors le pas sur l’Ecriture, et devient le critère déterminant pour définir ce qu’il convient de croire ou ne pas croire. C’est ainsi que le protestantisme libéral rejette la naissance virginale de Jésus-Christ (sa divinité), la portée sacrificielle de la croix, la résurrection corporelle, la nécessité de la foi pour être sauvé, etc. Le risque est ici de prêcher “ un autre Evangile ” (Gal 1.6) !

 

Le relativisme : Refuser à la Bible le statut de Parole de Dieu et d’infaillibilité conduit inexorablement à donner à la vérité et à l’éthique une définition essentiellement subjective, et à relativiser le caractère absolu des doctrines chrétiennes. L’autorité de la Bible étant de ce fait relativisée, il n’existe plus, à proprement parler, de normes permettant de déterminer de façon sûre ce qui et bien et ce qui est mal, ce qui est vrai et ce qui est faux.

 

Le littéralisme – ou “ fondamentalisme ” – : La dérive consiste ici à négliger l’humanité de l’Ecriture, au point de court-circuiter tout travail légitime d’interprétation et d’exégèse sérieuse du texte biblique (herméneutique). En ne tenant pas compte des genres littéraires et des contextes (historiques, culturels), on peut se méprendre sur le sens de certains passages.

 

 

 

 

Pour approfondir (bibliographie sommaire) :

BLOCHER, Henri, “ L'Ecriture et son interprétation, dix thèses ”, HOKHMA, N° 60 (1995), pp. 100-101.

GAUSSEN, L., Theopneustie (1840), réédité sous le titre La pleine inspiration des Saintes Ecritures ou Theopneustie, St Légier, Ed. Emmaüs, 1988.

LECERF, A., Introduction à la dogmatique réformée, II, Paris, Je sers, 1938, chap. VI : “ Examen de la valeur du principe externe et formel de la foi réformée. Théorie de l'inspiration ”, pp. 152ss.

LECERF, A., “ Inspiration et grammaire d'après les théologiens du XVIIe siècle ”, in Etudes calvinistes, Neuchâtel, Delachaux, 1948.

MARCEL, Pierre, Face à la Critique : Jésus et les Apôtres, Genève/Aix-en-Provence, Labor et Fides/Kerygma, 1986.

WELLS, Paul, “ Comment interpréter et prêcher la Parole de Dieu ”, in Dieu parle !, Aix-en-Provence, Kerygma, 1984.

WELLS, Paul, Dieu a parlé, Québec, Ed. La Clairière, Collection Sentier, 1997.



[1] Cf. Matt 21.42 ; 22.31ss ; Jean 5.39 ; 10.34 ; Luc 24.44ss ; Marc 12.36 ; Act 1.16 ; etc.

[2] Voir de même 2 Pi 3.1s ; 1 Cor 14.37ss ; 7.10ss, 40 ; 2 Cor 3.5ss ; 1 Pi 1.10-12 ; etc. L’expression grecque utilisée theopneustos désigne l’élaboration même des textes de l’Ecriture sous l’action du souffle de l’Esprit et pas simplement une inspiration intérieure de celui qui parle.

[3] Cf. de même 2 Pi 3.16 où l’apôtre Pierre conjoint les lettres de Paul au Canon de l’Ancien Testament, en leur conférant de ce fait la même autorité divine. En 2 Cor 3.5-6, l’apôtre Paul fait état de son autorité épistolaire normative pour les communautés qu’il fonde : “ La charge apostolique est d’origine divine et peut être comparée à la vocation de Moïse sous l’ancienne alliance ” - Paul WELLS, Dieu a parlé, Québec, Ed. La Clairière, Collection Sentier, 1997, p. 62 ; cf. Peter JONES, “ L’Apôtre Paul : étude sur l’autorité apostolique paulinienne ”, Foi et Vie 75 (1976 : 1),        pp. 36-58.

[4] 1ère Déclaration de Chicago, art. VI : “ Nous affirmons que l’Ecriture entière et toutes ses parties, jusqu’aux mots mêmes de l’original, ont été données par inspiration divine. Nous rejetons l’opinion selon laquelle l’Ecriture serait inspirée comme un tout mais non pas en chaque partie, ou, au contraire, en certaines de ses parties mais non pas en son tout. ” - La Revue Réformée, N°197 (1998/1), p. 22.

[5] Selon Henri Blocher : “  L'infaillibilité-inerrance signifie ceci : quand les écrivains sacrés, dans l'Ecriture, de manière explicite ou implicite, prétendent énoncer quelque chose de juste ou vrai, c'est à bon droit qu'ils le font. Tout ce qu'ils affirment (dans leur situation et selon les conventions de leur langage) mérite l'entier assentiment du lecteur (oui et amen) : aucun progrès du savoir ne peut conduire à le rejeter ou le rectifier, cela même sous un seul des aspects  impliqués : nul n'aura jamais de quoi s'inscrire en faux contre une assertion de l'Ecriture. ” - “ Inerrance et herméneutique ”, Dieu parle !, Aix-en-Provence, Ed. Kerygma, 1983, p.88.

[6] “ Parole de Dieu, l’Ecriture est sûre en tout ce qu’elle enseigne ou affirme, c’est-à-dire infaillible ou inerrante. Ne sont pas exclues les erreurs des copistes, la non-conformité aux conventions grammaticales et stylistiques, l’usage des tropes et de tous les procédés de langage admis à l’époque de rédaction au service d’une communication véridique. ” - Henri BLOCHER, “ L’Ecriture et son interprétation, dix thèses ”, HOKHMA, N° 60 (1995), p. 100. Voir de même La 1ère Déclaration de Chicago, Art. XIII : “ Nous rejetons la démarche qui impose à l’Ecriture des canons d’exactitude et de véracité étrangers à sa manière et à son but. ” - op. cit., p. 23.

[7] Confession de La Rochelle, Aix-en-Provence, Ed. KERYGMA, 1988, articles 3 et 4, pp.19s.

[8] Le protestantisme ne reconnaît que les livres de la bible hébraïque pour le canon de l’Ancien Testament et ne retient pas, contrairement au catholicisme, les livres dits apocryphes rajoutés dans la tradition grecque de la Septante.

[9] Voir LECERF, A., “ Remarques sur le canon des Saintes Ecritures ”, La Revue Réformée, n° 9 (1958/2), pp. 1-18.