Fiche n° 12
“ Les bases théologiques qui définissent notre
identité et qui nous rassemblent ”
LE SACERDOCE COMMUN
DES CROYANTS ET LES MINISTÈRES
Parmi les enseignements remis en valeur
par la Réforme, il est fréquent que
l’on cite l’accès à la Parole de Dieu avec la doctrine de l’Ecriture et l’accès
au salut avec la doctrine de la justification par la foi. Les Réformateurs ont
également rendu à l'ensemble des croyants leur place dans l'Eglise en mettant
en valeur conjointement le sacerdoce commun des croyants et la doctrine des
ministères.
Ce double fondement permet aux chrétiens
sauvés par grâce d'exercer pleinement leur
vocation : servir Dieu personnellement et en Eglise.
1. La nécessité d'un sacerdoce permanent
“ Il a plu à Dieu, dans son dessein éternel, de choisir et
d’établir le Seigneur Jésus, son unique Fils engendré, comme le Médiateur entre
lui et les hommes, comme le Prophète, Prêtre et Roi, Tête et Sauveur de son
Eglise, Héritier de toutes choses et Juge du monde, auquel, de toute éternité,
il a donné un peuple qui soit sa descendance… ” (Confession de
Westminster, VIII.1)
Comme la notion de ministère, celle de sacerdoce
implique l’idée de service, dans le sens le plus noble : service pour
Dieu, service de la part de Dieu. Exigé à la fois par la sainteté et par
l’amour de Dieu, le sacerdoce est assumé par l’office d’un médiateur, le
prêtre-sacrificateur. C’est un service nécessaire de sanctification, de
consécration, et d’intercession, dans la perspective du règne de Dieu.
Cette disposition peut sembler passagère et révolue. Cependant,
l’existence d’un sacerdoce est présentée dans la Bible comme étant éternelle,
en relation avec la nature même de Dieu. Ce sacerdoce perpétuel est exercé par
le Christ : “ Jésus, parce qu’il demeure éternellement, possède le
sacerdoce non transmissible. C’est pour cela qu’il peut sauver parfaitement
ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en
leur faveur ”.1
Dérives
L’oubli de la vocation sacerdotale peut
conduire à :
- nier la distance
qui sépare le Créateur et la créature, l’homme pécheur et le Dieu saint2 ;
- nier que Dieu soit l’auteur des
dispositions sacrificielles de l’Ancienne Alliance, dispositions qui
annonçaient l’œuvre de rédemption parfaite accomplie par le Christ ;
- nier la communion possible entre l’homme
racheté et Dieu3 ;
- nier la vocation
de l’homme, qui est d’être serviteur, non pas de lui-même, mais de Dieu.
Implications
La centralité de la personne et de l’œuvre du Christ, “ seul
médiateur entre Dieu et les hommes ” 4, peut et doit
toujours être rappelée ; tout ce qui peut y apporter ombrage doit être dénoncé.
En Christ et en lui seul se trouve notre plein accès auprès de Dieu. A travers
lui, Dieu vient jusqu'à nous5 et se fait connaître6.
1. Hébr
7.24-25 2. Eccl 5.1 ; Hébr 10.30-31 ; 12.29 3. Ex 25.8 ; Jean
17.20-23 4. Act 4.12 ; 1 Tim 2.5 5. Jean 7.37-39 ; 14.6 ; Act
4.12 ; 1 Cor 3.16 ; 2 Cor 6:16 6.
Jean 1.18
2. Du Christ à l'Eglise : le sacerdoce
commun des croyants
“ Il n’y a pas d’autre prêtrise aujourd’hui que celle de
Jésus-Christ et celle de tous les croyants unis à lui. Il est notre pontife,
lequel étant entré au sanctuaire du ciel nous en ouvre l’accès. Il est notre
autel, sur lequel nous mettons nos offrandes. En lui nous osons tout ce que
nous osons. En somme, il est celui qui nous fait rois et prêtres pour le
Père. ” (Jean
Calvin, Institution Chrétienne, IV.18,17)
Avec l’Ancienne Alliance, les lévites étaient séparés du milieu
des enfants d’Israël et consacrés à Dieu pour le service du temple7.
Mais Israël tout entier était appelé à être un royaume de sacrificateurs
(Ex 19.5-6). Tout en exerçant une fonction exclusive, les sacrificateurs
étaient associés au peuple et le peuple, sanctifié par eux, était aussi
sanctifié avec eux : c’est tout le peuple d’Israël qui était saint parmi les
peuples ! (Ex 19.10) Ainsi, les sacrificateurs ont possédé et exercé, pour un
temps, le sacerdoce qui appartient premièrement à Jésus-Christ, et qui est
confié maintenant à tous les membres de son corps (1 Pi 2.9).
“ On peut dire que les apôtres du Christ appellent prêtres
(en charge du sacerdoce) tous ceux qui croient en Jésus-Christ, puisque tous
les fidèles, étant faits par Christ rois, prêtres et sacrificateurs, peuvent
aussi offrir à Dieu des sacrifices spirituels. ” (Confession Helvétique Postérieure, chap.18).
C’est parce que le sacerdoce appartient premièrement à
Jésus-Christ et à lui seul - de par sa nature divine mais aussi de par son
sacrifice expiatoire à la croix - que tous ceux qui ont été unis à lui
par la foi en sont devenus bénéficiaires et participants8. Dans la
Nouvelle Alliance, c’est l’onction du Saint-Esprit qui rend effectif pour tous
ce bénéfice et cette participation9. Le sacerdoce commun des
croyants n'entre pas en concurrence avec le sacerdoce de Jésus, mais se situe
au contraire dans le prolongement de celui-ci.
Dérives
La tentation d’établir des castes au sein
du peuple de Dieu et, d’une manière générale toute discrimination (cléricale,
culturelle, traditionnelle, sexuelle, éthnique, économique...) dans l’ordre du
salut et de la vocation chrétienne rétablissent les murs que Christ a abattus
et voilent le libre accès qu’il a acquis par sa mort et sa résurrection10
Par ailleurs, on constate parfois un
universalisme consistant à appliquer à tous les hommes les promesses et les
appels qui ne concernent que les chrétiens. Bibliquement, l'universalité du
sacerdoce est limitée aux seuls croyants.
Implications
Tout enfant de Dieu doit se considérer non seulement comme un
pécheur pardonné, mais aussi comme “ héritier de Dieu et co-héritier de
Christ ” (Rom 8.17), “ concitoyen des saints, appartenant à la
maison de Dieu ” (Eph 2.19-22), “ en communion avec la nature
divine ” (2 Pi 1.3-4, traduction TOB).
Les “ tous ” du Nouveau-Testament sont réellement
englobants, de telle sorte que chacun dans l’Eglise, petit ou grand, fort ou
faible, juif ou grec, homme ou femme, doit se sentir personnellement appelé,
doté et envoyé. “ Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour
former un seul corps ” (1 Cor 12.13).
Cette participation au sacerdoce du Christ implique pour tous
d’être des adorateurs de Dieu en esprit et en vérité11, porteurs de
sa Parole12, intercesseurs13, aptes à souffrir pour son
Nom 14.
7. Nomb 8.14, 19, 23-24 ; Ex 39.27ss. 8.
Hébr 3.14 ; 8.11 ; 1 Cor 12.6 ; Gal 3.28-29 ; 1 Pi 2.9 ; Apoc 1.6 ; 5.10 ;
20.6 9. Matt 3.11 ;
Jean 7.37-39 ; 14.16-20 ; Act 2.17-18 ; 10.44-48 10. Eph 2.14-18, Hébr
10.19-23 11. Jean 4.23. 12. 1 Cor 14.1 ; Phil 2.16
13. Eph 6.18 ; 1 Tim 2.1-2 14. Rom 8.17 ; 2 Tim 3.12 ; 1 Pi
2.20-21.
3. Le ministère de l’Eglise
“ Approchez-vous
du Seigneur, pierre vivante…, et vous-mêmes, comme des pierres vivantes,
édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin
d’offrir à Dieu des sacrifices spirituels agréables, par Jésus-Christ. ” (1 Pi 2.4-5)
Le mot ministère désigne un service confié, une vocation
propre à laquelle on se consacre. Il implique tout à la fois l’engagement de
chacun et celui de tous, ces deux dimensions étant importantes l'une et l'autre15.
La vocation personnelle de chacun est certes essentielle16
mais elle doit s'inscrire dans la communion de l'Eglise17.
Celle-ci a une identité et une vocation propres, en tant que
maison, en tant que corps. Si tous participent au ministère de l’Eglise, c’est
en vertu des liens qui les unissent au Christ, mais aussi aux autres membres du
corps. Si la bouche s’exprime, tout le corps s’exprime par elle ; si le pied
avance, tout le corps se déplace avec lui, sans que tout le corps soit bouche
ou pied pour autant !
Unie à son chef, Christ, et envoyée par lui, l’Eglise participe à
son ministère et le prolonge (Jean
21.21 “ Comme le Père m’a envoyé... ”). Ce ministère de
l’Eglise, en tant que corps, s’exerce
vis-à-vis de Dieu, des hommes et même des anges (Eph 3.10). Il se
démontre de diverses manières, notamment :
- par l’unité spirituelle de tous les
chrétiens, avec Christ et en lui18 ;
- par le culte, l’offrande, la louange19
;
- par l’amour fraternel20 ;
- par le témoignage rendu à la vérité21
;
- par l’intercession22 ;
- par les gestes de miséricorde23
;
- par la simple présence de
l’Eglise...24 ;
Dérives
Il y a dérive quand les chrétiens ne
gardent que la vision du témoignage individuel, de l’édification personnelle ;
quand le “ je ” laisse trop peu de place au “ nous ” (Matt
6.9) ; quand l’Eglise est déconsidérée, voire méprisée. “ Si
l’Eglise ne s’acquitte pas de son devoir,cela ne signifie pas que chacun doive
décider de se séparer d’avec les autres... C’est une chose de fuir la compagnie
des mauvais et autre chose, par haine d’eux, de renoncer à la communion de
l’Eglise... Il s’ensuie que quiconque se sépare d’elle renie Dieu et
Jésus-Christ ”. (Calvin, Institution Chrétienne, IV, 1.10, 16)
Il y a dérive quand le ministère de toute
l’Eglise est ravi (confisqué) par les ministres ordonnés.
Implications
Le corps n’est pas sans les membres ; les membres ne sont pas sans
le corps. Le témoignage de l’Eglise est dépendant des liens qui unissent les
membres entre eux, des liens qui les unissent à la tête, Jésus-Christ. On
comprend pourquoi les appels à l’unité sont si nombreux dans le Nouveau
Testament
L’édification dont parle le Nouveau Testament est celle d’une
maison spirituelle, dont Christ est la pierre d’angle et dont nous sommes les
pierres vivantes. A l’instar d’une personne, l’Eglise doit viser la plus haute
maturité dans l’amour et dans la vérité25 (cf. fiche n°13).
15. Eph 4.4-6
16. Matt 6.6 ; Jean 3.16 ; Rom 14.12 ; 1 Cor 12.11 ; 2 Tim 2.19 17.
1 Pi 4.10-11 ; Jean 17.20-21 ; 1 Cor 12.7; Eph 4.4 18.
Jean 15.1-8 ; 17.20-23 ; Eph 4.1-2, 16 19. Rom 12.1-2 ; 15.5-7 ; Hébr
13.15-16 20. Jean 13.34,35 21. Eph 4.15 ; Phil 2.14-17
; 1 Tim 3.14-15 ; 1 Pi 2.9,12 ; 3.14-16
; 2 Pi 3.11-12. 22 1 Tim 2.1-4 23 Rom 12.17-21 ;
Phil 4.18 24. Matt
5.13-16 25. Eph
4.13-16.
4. Les ministères dans l’Eglise
“ Ce sont choses grandement diverses et différentes que la
prêtrise (sacerdoce) et le ministère. Car la prêtrise est commune à tous les
chrétiens, mais non pas le ministère. ” (Confession Helvétique Postérieure chap. 18)
Dans cette citation, le mot ministère ne désigne pas le
service que Dieu confie à l’ensemble des croyants, mais le service qu’il confie
à certains parmi les croyants, en vue de l’équipement de tous26. Le
ministère de toute l’Eglise, tout comme l’engagement de chacun de ses membres,
ne sont pas contredits mais au contraire encouragés par des ministères
spécifiques, donnés par Christ.
Par ces ministères, Christ lui-même enseigne, exhorte, console,
dirige et sert son Eglise, équipe ses membres en vue de l’engagement renouvelé
de chacun et de tous. La présence de ces ministères établis dans l’Eglise et
pour l’Eglise est signe :
- de sa faiblesse
et de ses besoins ;
- de l’amour et des
soins attentifs que Dieu veut lui prodiguer ;
- de sa vocation à
croître en stature et en maturité.
Parce que rien ne les distingue des autres chrétiens, si ce n’est
un appel pour une vocation particulière,
ces ministères ne constituent pas une caste, mais seulement un ordre
dans l’Eglise (A. Vinet). Toutefois ces ministères, reconnus par l’Eglise,
détiennent leur légitime autorité du Christ et doivent être considérés avec
respect27.
Dans la lignée des Eglises de la Réforme, nos Eglises ont reconnu
le ministère de la Parole (pasteur), le ministère de direction pastorale
(pasteur et ancien) et le ministère du service (diacre). Ces trois ministères,
dans lesquels peuvent s’exprimer les vocations particulières de docteur et
d’évangéliste, constituent une disposition nécessaire et permanente dans
l’Eglise. Distincts mais non pas séparés les uns des autres ils doivent
s'exercer de façon complémentaire et collégiale pour l'édification de l'Eglise.
Avec l'appui de l'ensemble des fidèles, les "ministres" donnés à
l'Eglise veilleront sur :
- l'accompagnement
pastoral des croyants (soutien et édification) ;
- la fidélité à la
Parole de Dieu (rectitude et mise en pratique) ;
- l’unité de
l’Eglise (rassemblement et communion) ;
- l’engagement de
chacun selon ses dons (maturité dans le service) ;
- le témoignage
dans la cité (par le vécu et par la proclamation).
Dérives
Nous devons nous garder :
-
du cléricalisme qui nie le sacerdoce de toute l’Eglise
-
de l’anticléricalisme qui ne reconnaît pas les ministères donnés par Dieu
- de confondre sacerdoce commun et ministères établis, ou
de les opposer. Les dons et les vocations sont divers ; ils ont cependant une
même source et un même but, Christ ! 28
Implications
Nous devons rappeler :
- la diversité des
ministères donnés par Christ, pour l’édification de l’Eglise en vue de sa
pleine stature et de son propre ministère dans le monde 29 ;
- l’importance de
l’engagement pastoral des anciens (et des pasteurs parmi eux), signe concret
des soins et de la direction de Christ au milieu de son peuple (“ Le
ministère pastoral est confié aux anciens… Le pasteur est un ancien qui exerce
le ministère de la Parole ” Discipline des EREI, Titre C, art. 2 et 9)
;
- l’importance du
diaconat au sein de l’Eglise ;
- la nécessité de
créer dans l'Eglise des conditions favorables à l'éclosion de ces ministères
ainsi qu'à leur reconnaissance, que ce soit sur le plan national ou local.
26. 1 Cor 12.28-29 ; Eph 4.11 27. Hébr
13.17 28. 1 Cor 12.4-7, 27-31 29. Eph 4.11-16.