Méditation biblique

A l’écoute d’Ephésiens 2. 11-19
Vous n’êtes plus étrangers !

L’œuvre de Jésus à la croix revêt l’Eglise, " la maison de Dieu ", d’une réalité spécifique : l’identité qui unit tous es chrétiens surpasse et intègre toutes les autres (couleurs, coutumes, histoires ou terroirs). Il n’y a plus d’étrangers !

" Etranger ", le mot tombe comme un couperet ! Prononcer ce mot à l’encontre de quelqu’un ferme rapidement les portes et les perspectives. Non, vous n’êtes pas " d’ici ". Entre vous et moi (ou nous), il existe une barrière certaine et solide. Vous ne connaissez pas les codes de notre groupe. Nous pouvons choisir de vous accueillir, de vous tolérer, de nous intéresser à votre cas. Cependant, vous êtes et vous resterez toujours différent. Vous n’êtes pas l’un de nous.
Et de fait, la définition de l’étranger dans le dictionnaire indique : " Qui n’appartient pas à un groupe, à une famille. Qui est sans relation, sans rapport avec " (Dictionnaire Larousse).

Nous lisons dans le lettre de Paul aux Ephésiens : " Souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. " (2.12).
Dans cette lettre, Paul, écrivant aux chrétiens d’origine païenne, évoque la distance infranchissable qui, autrefois, séparait tout non Juif de l’identité forte associée au peuple de Dieu. Ce " mur de séparation " (verset 14) privait effectivement toute personne d’origine païenne de la possibilité de s’approprier les droits, les promesses et les espérances accordés aux Juifs. Ce n’étaient pas les païens qui attendaient la révélation du Messie. Dieu lui-même leur semblait inaccessible, tant les rites, les cérémonies, les lieux saints et les sacrifices donnés pour franchir la distance entre Dieu et son peuple leur étaient interdits. " Etrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. " Oui, des étrangers.

Pour apprécier la grandeur de la grâce, nous ne devons pas oublier l’impossibilité spirituelle dans laquelle nous étions enfermés avant d’être sauvés. Dans le premier verset de ce même chapitre, l’apôtre décrit notre situation désespérée dans les termes les plus radicaux : " vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés… ". Nous étions éloignés de la vie éternelle comme l’est de l’ébullition de la vie familiale quotidienne un cadavre enterré au cimetière. Même s’il y avait quelque chose à faire pour être accepté par Dieu, nous aurions été totalement incapables de l’accomplir. Sans espérance parce que déjà morts. Paul souligne rapidement le fait que le " peuple choisi " se trouvait dans le même impasse spirituel : " Nous tous aussi, nous étions de leur nombre, et nous vivions autrefois selon les convoitises de notre chair… et nous étions par nature des enfants de colère, comme les autres… " (v. 3).

Un don inattendu

Quelles que soient ses origines, chaque être humain est enfermé dans l’impossibilité de franchir la distance qui le sépare de son Créateur. Aucune œuvre et aucun sacrifice personnel ne changera cet état des choses. Il ne suffit donc pas d’être " bien né " ou d’appartenir à un groupe privilégié pour avoir accès aux bénédictions.
Puis, après nous avoir enfermés tous dans le même désespoir, Paul annonce la bonne nouvelle : Dieu " à cause du grand amour dont il nous a aimés " (verset 4) a fait pour nous ce que nous n’aurions jamais pu faire pour nous-mêmes. Il nous a ressuscités de cette mort pour nous permettre de vivre. " Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. " (verset 8). Un don inattendu, inespéré, mais parfaitement gratuit pour tous ceux qui l’acceptent. Même pour les étrangers comme nous !
Ainsi, le sacrifice incommensurable du Christ a dévoilé le grand mystère prévu de toute éternité : l’Eglise, ce rassemblement de gens de toutes les origines partageant désormais la même identité, appartenant à la même famille, vivant jour après jour dans la même maison, celle de Dieu. " Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers, ni des gens du dehors ; mais vous êtes concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu. " (v. 19). L’identité qui unit tous les croyants est désormais plus forte que toutes les autres, - couleurs, coutumes, histoires ou terroirs - qui peuvent les séparer.

Malgré l’influence indéniable de la chrétienté sur la culture européenne, l’identité essentielle de l’Eglise n’est pas occidentale. A l’origine, l’Eglise était juive et les croyants hébraïques devaient apprendre à relativiser leur identité culturelle pour embrasser les croyants d’autres cultures méditerranéennes. La foi a pu ainsi pénétrer et s’exprimer dans toutes les formes culturelles. Elle est universelle. Cette diversité et sa richesse ne peuvent qu’honorer la grandeur de Dieu qui semble prendre plaisir dans la variété !
Cette identité transculturelle de l’Eglise porte des implications pour nous en tant que croyants et aussi pour chacune de nos communautés locales. Par exemple, notre regard sur des événements qui font la une des journaux en est nécessairement affecté : quelles sont les retombées de cet événement pour nos " frères et sœurs " sur place ? quel effet pour les Eglises locales qui s’y trouvent ? Notre perspective concernant les aspects sociaux, économiques et politiques de toute situation est influencée par notre identité chrétienne.
Qui est donc " de chez nous " ? Nous vivons dans un monde de plus en plus ouvert. Les distances rétrécissent au fur et à mesure que les moyens de communications grandissent, et les questions identitaires vont se poser aux communautés chrétiennes avec de plus en plus d’acuité. Un chrétien européen ne peut plus ignorer les conditions de vie de ses " concitoyens " chrétiens à l’autre bout du monde. Le fait que " ceux de la maison " souffrent à cause de leur identité chrétienne au Nigeria, en Inde, au Sri Lanka ou en Colombie ne doit pas nous laisser indifférents. Savoir que de nombreuses Eglises-sœurs luttent désespérément pour faire face aux hécatombes causées par la famine, le sida ou la guerre doit nous émouvoir et nous pousser à réagir. " Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui. " (1 Corinthiens 12.26)

Partout chez moi !

Puisque nous avons été adoptés tous par le même Père, nous sommes liés par un lien familial éternel. " Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. " (Galates 3.26-28) Il y a une expression anglaise qui souligne la force du lien de famille :  " le sang est plus épais que l’eau " ; ou, selon un proverbe arabe : " Celui qui a une seule goutte de votre sang ne manque pas de s’intéresser à vous ". Tous ceux qui ont mis leur foi en Jésus-Christ, étant déjà ressuscités de la mort en et avec lui, sont liés par le sang de Christ. " Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de Christ. " (Ephésiens 2.13)

Pourtant, il est vrai que l’on ne se sentira pas " chez soi " partout et en toute situation. La Bible nous rappelle que, dans certaines situations, le croyant est véritablement un étranger. La conscience croissante de notre identité éternelle finira par créer une distance entre le monde qui est indifférent ou hostile à Dieu et nous-mêmes. L’attrait du temporaire sera remplacé par celui du permanent. Nous rejoignons ainsi des croyants de tous les siècles qui ont su élever leur regard au-delà du monde présent : " C’est dans la foi qu’ils sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises ; mais ils les ont vues et saluées de loin, reconnaissant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre. " (Hébreux 11.13)
Mais, ce sentiment de malaise devrait disparaître dès que nous intégrons une communauté de croyants. Je peux ainsi me sentir " chez moi " n’importe où dans le monde, dans la mesure où je suis en compagnie d’autres membres de " ma famille " chrétienne. De la même manière, un chrétien arrivant dans mon Eglise ne devrait pas se sentir étranger, quelle que soit son origine culturelle. S’il a été adopté par le même Père, il doit se sentir " chez lui " dans n’importe quelle communauté de croyants, accueilli par les autres membres de " sa famille ". Tous ensemble nous vivrons ainsi la réalité d’être " … concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu. " (Ephésiens 2.19), et le mot " étranger " sera banni entre nous.

Diane Jerdan
membre de l’ERE de Montpellier