Méditation biblique

A l'écoute d'Ephésiens 2. 4-10
Précieuse grâce

La grâce opère la justification du pécheur , non du péché. Ce n'est pas une grâce à bon marché, ni pour dieu dont le sacrifice en Jésus-Christ dit le paroxysme de l'amour ni conséquemment pour les chrétiens. Bénéficiaires de la grâce imméritée, ceux-ci sont désormais disciples de leur Seigneur.

Ce texte de la lettre aux Ephésiens fait plaisir parce qu'il parle de cadeau ! Plus exactement, d'après la terminologie biblique, Paul nous indique que Dieu nous a fait un don, ce don s'appelle la grâce. Mais, au fond, de quoi s'agit-il ? Qu'est-ce au juste, cette grâce ?
Le dictionnaire Larousse donne des pistes intéressantes pour notre compréhension :
- faveur, chose qui n'est pas due et qu'on accorde à quelqu'un librement ;
- aide surnaturelle accordée par Dieu en vue du salut (synonyme de secours) ;
- mesure de clémence par laquelle on accorde à un condamné la remise ou la réduction de sa peine.

Alors, d'emblée, réjouissons-nous en disant : " Merci Seigneur pour ce merveilleux cadeau que tu nous offres gratuitement ! " Mais, prenons-y garde, il y a un second cadeau qui surgit à côté du premier, un cadeau du même nom… et pourtant un seul vient vraiment de Dieu ! car le second est une falsification.

Et nous voilà dans le vif du sujet !

Pour bien comprendre ce qu'est la grâce dont nous parle l'apôtre Paul, nous pouvons, à la suite de Dietrich Bonhoeffer, considérer les deux cadeaux, celui qui vient véritablement de Dieu : la grâce qui coûte cher et celui qui n'est qu'une construction humaine, voire diabolique : la grâce à bon marché.

Aujourd'hui, on entend souvent parler de " la grâce à bon marché ". Elle se manifeste subtilement dans des phrases comme " Dieu va tous nous sauver " ou " la grâce de Dieu est tellement grande que personne ne sera perdu, que l'on soit ou non chrétien ". Plus d'un parmi nous a été séduit par cette grâce à bon marché et je ne vous cache pas que moi aussi je suis tenté d'y adhérer. Mais voilà, cette grâce à bon marché a perdu sa juste valeur en devenant un principe relativisant beaucoup d'autres points dont nous parle la Bible tels le péché, la repentance, le salut, le pardon comme aussi l'amour. Une telle grâce est un système statique, sans force de motivation pour les chrétiens. Elle est devenue un enseignement peu concret, ni chaud ni froid ! puis une vérité générale qui ne distingue pas entre celui qui s'efforce de vivre comme disciple de Jésus et le reste du monde…

Attention aux contre-façons !

Cette grâce nous rend feignants, indifférents, démotivés, incapables d'assumer notre responsabilité. Elle nous conduit en effet à ce type de réflexion : " tout peut rester comme avant, rien n'a besoin de changer " ; elle nous enlève toute motivation d'avancer en susurrant : " le monde reste le même, nos efforts sont vains ; nous demeurons pécheurs, à quoi bon se bouger  ? " La grâce à bon marché fait de nous des personnes qui se contentent d'une vie dans " le meilleur des mondes possibles ", des chrétiens dont les paroles de pardon demeureront sans paroles de repentance ; par elle, baptême et sainte cène sont vidés de leur signification.
Cette grâce falsifiée devient très vite un moyen de camouflage, nous exonérant de tout effort selon la fallacieuse logique : " Dieu nous pardonne de toute façon " ; ici la repentance n'a plus de valeur ; une telle conception des choses nous pousse à ne plus regretter nos fautes et donc à ne plus chercher à nous décharger de nos iniquités. C'est une manière diabolique de justifier ce qui ne va pas, de piétiner la grâce de Dieu en faisant d'elle un moyen de confusion entre ce qu'est la volonté de Dieu et ce qui ne l'est pas. Du coup, nous ne sommes libérés ni de nos péchés ni de notre mauvaise conscience quand bien même celle-ci serait exilée au plus profond de notre for intérieur. Nous demeurerons prisonniers du péché, culpabilisés à long terme.

Pourtant Jésus est mort pour que nous puissions bénéficier d'une libération ! Ainsi la grâce à bon marché nie la Parole vivante de Dieu, elle va à l'encontre de ce qui a été accompli pour nous à Golgotha. La grâce à bon marché est une justification du péché et non du pécheur, une grâce sans la croix, sans Dieu vivant devenu homme en Jésus-Christ. La grâce à bon marché est un passe-partout spirituel.
Influencés par mai 68, au nom d'une paix édulcorée, nous ravalons volontiers la réalité de la grâce de Dieu à des slogans du type " make love not war " (faites l'amour et non la guerre), " peace and love " (paix et amour) ou encore à l'équation Jésus = Gandhi.
" Si vous voulez de la qualité, il faut y mettre le prix " dit-on dans le commerce. Ainsi en va-t-il de la grâce dont parle Paul : la grâce de Dieu est une grâce qui coûte cher parce qu'elle est de qualité !

Cette grâce est chère en effet.

Elle ressemble à un trésor caché dans un champ. Celui qui l'a découvert n'hésite pas à vendre avec joie tout ce qu'il possède pour l'acquérir (Matthieu 13. 44) ; elle ressemble aussi à une perle de grand prix pour laquelle un commerçant va vendre tout ce qu'il a (45-46), elle ressemble encore au Royaume de Dieu pour lequel un homme est prêt à s'arracher un œil (Marc 9. 47). Nous savons d'autre part que les premiers disciples ont abandonné leurs filets pour suivre Jésus (Marc 1. 16-20) ; la grâce de Dieu coûte cher à celui qui se l'approprie.
Cette affirmation peut déconcerter : une grâce peut-elle être chère ? La grâce n'est-elle pas gratuite par définition, l'étymologie même du mot le souligne ! Du coup, peut-on encore parler de grâce lorsqu'on parle d'efforts qui coûtent ? Quel paradoxe !

La gratuité n'est pas sans prix …

Paradoxe en effet mais cette tension entre la grâce et le prix fort, c'est tout l'Evangile !
La grâce est chère, et nous en sommes à présent témoins, parce qu'elle nous appelle à être disciples, mais elle est une grâce parce qu'elle nous appelle à être disciples de Jésus-Christ (et non de n'importe qui ou de n'importe quoi !).
Elle est chère car il nous faut donner notre vie tout entière à Jésus, mais elle est une grâce parce qu'elle nous donne la vraie vie en Christ.
Elle est chère parce qu'elle dénonce le péché mais en même temps elle est grâce parce qu'elle justifie et relève le pécheur.
Elle est chère car elle a été chère pour Dieu lui-même, coûtant la vie à son Fils unique : " Vous avez été rachetés à grand prix " (1 Corinthiens 6. 20). Mais elle est une grâce parce que la vie de Jésus n'a pas été trop chère pour sauver nos vies : " Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne meure pas mais ait la vie éternelle. " (Jean 3. 16)

Que la grâce puisse beaucoup coûter aux chrétiens, on le voit par l'exemple récent et fort médiatisé de l'afghan Abdul Rahman risquant la peine de mort suite à sa conversion de l'islam au christianisme. La grâce de Dieu peut ainsi nous coûter notre réputation, notre famille, notre vie…

Le message que Paul nous adresse est sans ambiguïté.

Nous ne pouvons pas vivre dans ce monde sans la grâce de Dieu. Elle est le miroir dans le quel se reflètent toute la compassion et la grandeur de l'amour de Dieu pour nous (v. 4-5).
Il n'y a pas de véritable grâce sans que notre péché soit reconnu comme tel : séparés de Dieu, nous sommes spirituellement morts, mais Dieu " nous a rendus vivants avec le Christ " (v.5). Voilà bien où intervient la grâce : " Dieu est riche de compassion, à cause du grand amour dont il nous a aimés " (v.4). Nous pouvons être sûrs qu'il n'y a pas de faute impardonnable aux yeux de Dieu, de situation désespérée ; son amour ne connaît pas de limite.
" C'est par grâce que vous êtes sauvés ", ce verset 5 prend tout son sens dans le cadre de la repentance. Pour nous, la grâce devient coûteuse mais réelle à partir du moment où nous la comprenons ainsi. Bien entendu, nous pourrions facilement perdre l'équilibre et confondre la grâce qui coûte avec une sorte de salut par nos propres moyens humains, un salut par les œuvres. Paul insiste sur la gratuité du salut qui, croyez-m'en, est bien vite oubliée, même par ceux qui en parlent souvent… Il souligne clairement que nos œuvres ne valent rien sans la grâce de Dieu.

Si nous pouvons avoir de l'espoir pour notre avenir, pour nos enfants, pour la vie éternelle près de notre Sauveur, c'est par la grâce seule.
Si nous sommes sauvés par grâce au moyen de la foi et que cette foi est un don de Dieu, alors nous pouvons être humbles (v. 8), personne ne pouvant se glorifier (v. 9). Voilà pourquoi tout dépend de la grâce de Dieu.
Ainsi, la grâce est un cadeau tout à fait gratuit de la part de Dieu mais avec des conséquences énormes. Sommes-nous prêts à répondre à cette grâce en nous engageant à suivre les traces de Celui qui a donné sa vie pour nous ?

Pour nous-mêmes mais aussi pour l'avenir de nos communautés, il est essentiel d'accepter les bons cadeaux ! Nous avons le choix entre la grâce à bon marché et la grâce qui coûte cher. Ouvrons le cadeau de Dieu !

Ingo Gebhardt
pasteur à Massy-Antony