| Questions de foi Coram Deo :
l’homme devant Dieu L'homme existe en tant qu'être de relation, avec Dieu et avec autrui. La rupture de l'alliance entre l'homme et son Créateur est à l'origine de toutes les ruptures des hommes entre eux. C'est l'œuvre de la grâce en Jésus-Christ qui opère la restauration de ce double lien rompu. Nous nous proposons de parler d’anthropologie. " Anthropologie " vient de deux mots grecs qui signifient " parole " (logos) et par extension " doctrine ", ou " discours ", et " homme " (anthropos). La théologie (theos + logos), c’est le discours sur Dieu, l’anthropologie, le discours sur l’homme. La Bible contient une anthropologie. C’est de cette anthropologie-là que nous parlerons ici. Il existe de nombreux discours différents, voire contradictoires, au sujet de l’homme. En fait, chaque philosophie ou courant philosophique tient un certain discours, plus ou moins proche ou opposé à celui de la Bible, au sujet de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce qui définit l’essence de l’homme, sa nature ? Qu’est-ce qui distingue l’homme de l’animal, ou de tout ce qui n’est pas lui ? Quelle est la place de l’homme dans l’Univers ? En un sens, il est aussi difficile de répondre à ces questions, avec notre intelligence limitée, qu’à la question sur Dieu. Qui est Dieu ? Quelle est sa nature ? Comment parler droitement de Dieu ? La Bible a la prétention de nous révéler le discours de Dieu au sujet de lui-même, comme aussi au sujet de l’homme. Il y a donc une théologie révélée, comme aussi une anthropologie révélée, dans la Bible. Blaise Pascal a dit fort justement que " Dieu seul parle bien de Dieu ". Il est aussi vrai de dire que Dieu seul parle bien de l’homme, car il est son Créateur. Nous nous intéresserons donc ici au discours de Dieu sur l’homme, à la Parole de Dieu au sujet de l’homme. Pour caractériser ce discours, le Réformateur Martin Luther utilisait fréquemment l’expression latine " Coram Deo ", qui signifie littéralement " devant Dieu ". Ce qui caractérise l’homme, ce qui le définit dans la Création, dans l’Univers, c’est le fait qu’il soit, et ne peut être que " Coram Deo ". L’homme ne se définit que " devant Dieu ". Il n’a d’existence que " devant Dieu ", en face de Dieu, par rapport à Dieu, ou mieux dans son rapport, sa relation avec Dieu. L’homme en soi n’existe pas. L’homme n’existe qu’en tant qu’être de relation, avec Dieu tout d’abord, " Coram Deo " – Dieu qui est l’Etre de relation par excellence, le Dieu trinitaire, Père, Fils et Saint-Esprit, qui est éternellement Amour -, avec l’autre ensuite, avec autrui : " Il n’est pas bon que l’homme soit seul… ". C’est dans ce contexte-là qu’il faut comprendre le double commandements d’amour de Dieu et du prochain : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton être, et ton prochain comme toi-même " ! Ainsi dès le commencement de l’humanité, il est écrit que Dieu a créé l’homme " à son image " (Genèse 1.26). Le Créateur apparaît ici comme l’ultime vis-à-vis de l’homme. L’homme reflète la gloire de Dieu au sein de la Création. Il le représente. La vie éternelle consiste précisément à vivre dans ce rapport de dépendance absolu vis-à-vis de Dieu, dans la reconnaissance de ce rapport. Le lien rompu… Le péché quant à lui consiste dans le refus de cette dépendance, de ce lien vital. C’est le refus de l’alliance avec Dieu, caractérisé par la désobéissance au commandement divin – c’est le sens de la mise à l’épreuve consistant à ne pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, privilège du Créateur. Le péché est rupture du lien, rupture de l’alliance entre l’homme et son Créateur. Rupture qui est à l’origine de toutes les autres : rupture des hommes entre eux – Caïn qui tue son frère Abel, prémices de tous les meurtres, fratricides, génocides, conflits nationaux et inter-nationaux –, rupture entre l’homme et la femme dont les trop nombreux conflits conjugaux témoignent, rupture entre les générations – les enfants qui se rebellent contre l’autorité parentale –, rupture aussi au sein des diverses institutions voulues par Dieu, comme la famille, l’Eglise, l’Etat, etc. C’est le triste constat de cette situation proprement infernale dans laquelle le péché à plongé l’humanité qui a fait dire au philosophe athée Jean-Paul Sartre : " l’Enfer, c’est les autres " ! …et restauré ! Dans la perspective biblique, le salut consiste précisément dans la relation retrouvée, avec Dieu tout d’abord, car il est la source de tout amour, avec autrui ensuite, car l’amour de Dieu et du prochain sont étroitement liés : " Si quelqu’un dit : "J’aime Dieu", et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur… " (1 Jean 4.20). La Croix constitue un trait d’union entre la terre et le ciel. Jésus-Christ est mort sur la croix pour nos péchés, afin de nous réconcilier avec Dieu – réconciliation que l’on peut représenter par l’axe vertical de la croix -, et de réconcilier les hommes entre eux – l’axe horizontal. La proclamation de l’Evangile consiste précisément à appeler les hommes à la réconciliation, à la reconnaissance de ce que Dieu a fait à la Croix, pour leur délivrance. La Croix, c’est le Ciel qui se réconcilie avec la terre. C’est la restauration du lien, de l’alliance entre Dieu et les hommes : " Vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu " (Ezéchiel 36. 28 ; Jérémie 7. 23, 11. 4 ; Lévitique 26. 12) ! La restauration de ce lien passe par une connaissance renouvelée de Dieu, par son Fils, comme il est écrit : " Or la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ " ( Jean 17.3). Ainsi donc, l’anthropologie chrétienne prend résolument le contre-pied de l’athéisme contemporain dont le philosophe pamphlétaire Michel Onfray se fait le nouveau porte-parole dans son livre aussi sommaire qu’injuste, Traité d’athéologie, et que Karl Marx définissait comme suit : " L’athéisme est une négation de Dieu et, par cette négation de Dieu, pose l’existence de l’homme ". Nous dirons, a contrario : " Le christianisme est une affirmation de Dieu et, par cette affirmation de Dieu, pose l’existence de l’homme, de l’homme debout, de l’homme devant Dieu, Coram Deo " ! Vincent Bru |
