Histoire de l'Eglise Mathurin
Cordier, pédagogue " officiel " du
calvinisme Mathurin Cordier, apprécié pour sa pédagogie et son amour des enfants, contribue avec compétence à l'un des fers de lance de la Réforme : l'instruction ; l'un de ses ouvrages sera utilisé et réimprimé jusqu'au XIXe siècle ! Sa consécration est aussi un enseignement pour nous aujourd'hui On dit que " l'école est
fille de l'imprimerie et de la Réforme ".
De nombreux protestants se sont en effet intéressés à
la pédagogie. L'école apparaît indispensable pour
l'apprentissage de la lecture pour lire la Bible, mais
également pour former des pasteurs et des chrétiens
engagés dans la cité." Apprentissage d'un futur maître d'école Mathurin Cordier est né en 1479 dans
une famille pauvre, mais qui peut cependant lui permettre
de poursuivre des études. A cette époque,
l'enseignement est fondé principalement sur la lecture
et le commentaire des textes écrits. La langue utilisée
est le latin, mais elle est mal enseignée. Il n'y a pas
d'instruction religieuse (cela ne viendra qu'avec la
Réforme et la Contre-Réforme). Dans les collèges, la
discipline est sévère car les professeurs sont
conscients qu'ils ont une responsabilité dans la
formation morale des enfants et pensent que seuls les
châtiments corporels les mèneront à la
"vertu". Par contre dans les études
supérieures, les étudiants ont des vies très libres et
mouvementées, ce qui entraînent beaucoup d'échec. En 1514, à 35 ans, après avoir été
prêtre à Rouen, Mathurin Cordier se rend à Paris et
travaille comme professeur de latin dans plusieurs
collèges de la capitale. C'est ainsi qu'au collège de
la Marche, il a le jeune Jean Calvin comme élève. C'est
là encore qu'il rencontre l'imprimeur Robert Étienne
qui lui fait découvrir la Bible et les idées
réformées qu'il fera siennes très rapidement. Un professeur infatigable C'est alors que son ancien élève,
Jean Calvin, l'appelle à Genève fin 1536. Mathurin
Cordier répond favorablement à cet appel car si en
France l'heure n'est pas encore venue de fonder des
collèges protestants, à Genève par contre, grâce à
l'uvre de Guillaume Farel, l'accueil y est très
favorable. Le voici donc nommé en Suisse comme
professeur du collège de Rive. Là, il commence avec
l'aide de Calvin, à élaborer les principales
orientations de la pédagogie protestante : les
maîtres doivent donner le meilleur exemple possible à
leurs élèves et doivent les instruire dans
l'apprentissage des langues (latin, hébreu, grec) comme
dans la connaissance des sciences profanes.
L'enseignement religieux est très présent :
prière avant chaque leçon, lecture d'un chapitre de la
Bible avant chaque repas et pendant le repas, chacun doit
réciter une sentence de l'Écriture en diverses langues
selon ses capacités. Le soir avant d'aller souper
l'élève récite les dix commandements, l'oraison
dominicale et le Symbole des apôtres. En plus, Farel
donne quelques leçons de Nouveau Testament et Calvin,
d'Ancien Testament... En 1542, lors d'un voyage à Genève, Mathurin Cordier rencontre Sébastien Castellion pédagogue protestant lui aussi. Ils reconnaissent ensemble qu'il n'existe pas d'ouvrages adaptés aux enfants dans lesquels les débutants puissent apprendre les rudiments de la langue latine et en même temps recevoir un enseignement moral et religieux. Mathurin Cordier va donc se mettre à écrire. Mais en 1545, il est mis en congé car l'école ferme pour des raisons financières. Pierre Viret en profite pour l'appeler à Lausanne disant à son sujet : " Jamais à ce moment-là, jamais, j'ai tout lieu de le croire, nous n'aurons à nous repentir d'avoir confié notre jeunesse à un pareil maître ". A Lausanne, le collège est une école préparatoire à la théologie et l'enseignement vise à former principalement des pasteurs de langue française. Avec l'arrivée de Mathurin Cordier, beaucoup d'élèves s'inscrivent. Le rêve de Calvin peut enfin se réaliser: avoir une organisation complète d'instruction protestante formée de l'Abécédaire, du Collège et de l'Académie. Le Réformateur gardera toujours beaucoup de gratitude à l'égard de Mathurin Cordier et lui dédicacera son commentaire de l'Épître aux Thessaloniciens. En 1557, Mathurin Cordier donne sa démission pour partir à la retraite. Il a 73 ans ! Mais Pierre Viret, à son tour chassé de Lausanne, se rend à Genève et Cordier part finalement avec lui. En 1562, une place de régent de 5ème est vacante dans le collège de cette ville et Mathurin Cordier l'accepte, il a alors 82 ans. En même temps, il travaille à son oeuvre écrite la plus importante, Les Colloques. Cependant, depuis 1 an, il est malade, attristé par la mort de Calvin en 1564. Il meurt trois mois après avoir repris la classe. Pédagogie reformée Mathurin Cordier a été apprécié pour sa pédagogie et son amour des enfants. Quicherat écrit : " Il était l'idéal du professeur élémentaire parce qu'il aimait l'enfance et savait se faire comprendre d'elle ". Il a écrit des livres non pas théoriques sur la pédagogie, mais des livres scolaires destinés aux enfants, avec un enseignement progressif, pour qu'ils apprennent le latin et la foi chrétienne et cela en n'hésitant pas à utiliser le français pour être mieux compris. Il innove aussi en faisant confiance aux enfants et en les respectant, reconnaissant l'utilité des jeux et du repos, et en refusant les châtiments corporels. Son uvre principale, Les Colloques, sera si appréciée qu'elle sera utilisée et réimprimée jusqu'au XIXe siècle pour l'enseignement du latin ! C'est un manuel de conversation que l'on peut comparer à ceux que les enfants utilisent de nos jours pour apprendre une langue vivante à la différence que les dialogues contiennent généralement un enseignement moral chrétien. On y découvre la vie de l'écolier du 16ème siècle, (leçons, jeux, vacances...) et afin que l'enseignement moral porte ses fruits, les enfants mis en scènes sont parfois râleurs, paresseux, fêtards... ce qui donne quelques situations amusantes dans lesquelles les élèves peuvent se reconnaître facilement ! Pour C.E. Delormeau, ce livre est un petit traité de morale chrétienne et un catéchisme réformé, tandis que pour P. Mesnard, c'est certainement le chef-d'uvre de la littérature calviniste en matière de pédagogie. Mathurin Cordier met donc en pratique cette " pietas litterata " d'Erasme, car pour lui il vaut mieux un homme pieux qu'un homme lettré, l'éducation étant première par rapport à l'instruction. Le maître doit donc partager sa foi avec ses élèves et son exemple de vie doit entraîner les enfants à imiter le Christ. C'est ainsi que pour P. Mesnard " la pédagogie de Mathurin Cordier est la pédagogie officielle du calvinisme " . Corine Fines, |