Théologie

De quoi les protestants protestent-ils ?
La spécificité protestante face au catholicisme

L'origine commune des catholiques et des protestants ne peut occulter que les Eglises de la Réforme cheminent depuis bientôt cinq siècles indépendamment de l'autorité de Rome. Cette persistance dans une identité propre mérite une explication.

Jean-Paul II fut un pape fort médiatique, chacun le sait. Mais au cours du printemps, lorsqu'il s'est avéré que son long pontificat aller toucher à sa fin, les journalistes n'ont eu de cesse de nous tenir au courant des faits et gestes du locataire du Vatican, de nous communiquer la moindre information sur son état de santé, de mettre à la une les marques de sa souffrance lors de ses apparitions publiques. Des catholiques, en état fusionnel, ont vu dans cette agonie un sacrifice tout à fait comparable à celui du Christ. Bref, la papolâtrie battait son plein dans les rues de Rome et sur les écrans de nos téléviseurs.
C'est dans des moments comme ceux-là que l'on se sent particulièrement protestant ! Devant ces foules rassemblées autour d'un homme, attendant de lui, comme s'il s'agissait d'un trésor fabuleux, un simple geste de bénédiction effectué péniblement d'une lointaine fenêtre, le protestant mesure le décalage profond qui le sépare de ses frères catholiques.
Pourtant, lorsqu'il s'agit de dire sa différence, il ne suffit pas de se laisser emporter par quelque réflexe épidermique. Les Eglises de la Réforme cheminent depuis bientôt cinq siècles indépendamment de l'autorité de Rome. Cette persistance dans une identité propre mérite une explication qui aille au-delà du passionnel, au-delà aussi des clichés qui sont véhiculés par une grande partie de la population. Nous allons donc essayer de reformuler brièvement dans les lignes qui suivent, ce qui constitue la spécificité protestante lorsqu'elle est considérée en vis-à-vis de la doctrine romaine.

Indispensable Réforme

Tout d'abord - et c'est très important - il convient de souligner notre origine commune, ce qui fait que protestants et catholiques se rattachent ensemble à un patrimoine spirituel qui les dépassent. Ainsi, les protestants partagent-ils avec les catholiques l'essentiel de la foi chrétienne telle qu'elle est exprimée par exemple dans le Credo ou Symbole des apôtres.
Au XVIe siècle, cependant, beaucoup de croyants ont estimé que l'Eglise avait besoin d'être réformée parce que trop de choses en elle leur semblaient s'être éloignées de l'enseignement de Jésus-Christ. La foi protestante se distingue donc de la foi catholique romaine (et parfois s'oppose à la foi catholique romaine) sur les points suivants.

  1. Le salut est totalement gratuit, il est un pur effet de la grâce généreuse de Dieu (sola gratia), il ne se mérite pas. Seule la foi (sola fide), qui est elle-même un don de Dieu, est nécessaire.
  2. Jésus-Christ est le seul Sauveur, en conséquence chaque croyant doit développer une relation personnelle avec lui par le moyen de la foi. Dans le protestantisme évangélique cette dimension est fortement appuyée par une prédication appelant l'individu à une démarche de conversion, à une décision consciente et définitive de suivre Jésus.
  3. Ni Marie, ni les saints trépassés n'ont de pouvoir sur le monde aujourd'hui. Il est donc inutile de les prier et de chercher un secours auprès d'eux. Une telle démarche est d'ailleurs comprise comme une grave altération de la foi qui est confiance et adoration au seul qui en soit digne, le Dieu unique et souverain sur toutes choses, Père, Fils et Saint-Esprit (soli Deo gloria).
  4. L'Eglise est voulue de Dieu, c'est par elle que se transmet l'Evangile, elle est donc un moyen de grâce pour chacun. Cependant, elle n'a pas le pouvoir de sauver ; ni par ses clercs, ni par ses sacrements.
  5. L'Eglise n'a pas besoin de pape. Son seul chef universel est le Seigneur Jésus-Christ dont l'autorité se manifeste au travers de sa Parole (la Bible), et par son Esprit agissant dans le monde et dans l'Eglise. Il n'y a donc pas de hiérarchie dans l'Eglise. Tous les croyants, y compris les pasteurs, sont " frères " et " sœurs ".
  6. La Bible est la norme ultime de ce que l'on doit croire (sola Scriptura). L'Eglise, dans son institution, n'est pas infaillible. Elle doit toujours être prête à se réformer chaque fois qu'elle perçoit que ses pratiques ou son message s'avèrent non conformes à la révélation biblique.
  7. La révélation s'achève avec les écrits du Nouveau Testament, en conséquence l'Eglise n'a pas le pouvoir d'y rajouter quoi que ce soit. Cela signifie que ni la tradition, ni les conciles, ne peuvent être invoqués pour édicter des lois ou des articles de foi qui iraient au-delà de ce qu'enseigne la Bible.

Benoît XVI a maintenant remplacé Jean-Paul II. Les médias sont plus calmes et c'est tant mieux. Malheureusement, il est fort peu probable que le pape actuel engage son Eglise dans des réformes qui iraient dans le sens de la Réforme. Cela n'empêchera sûrement pas les démarches œcuméniques de se poursuivre, mais c'est une raison de plus pour que chaque protestant connaisse bien son propre univers de foi et comment celui-ci se démarque des croyances catholiques. Avoir une claire conscience de l'identité protestante est également bien utile lorsque nous sommes amenés à répondre à cette traditionnelle question de nos concitoyens : " C'est quoi la différence ? "

Daniel BERGESE,
animateur biblique et pasteur à Lambesc