Environnement

Evangélico-écolo !
Ecologie et développement durable 

Il n'y a pas d'écologie parfaite. L'homme ne sera pas capable d'établir le règne de Dieu sur terre. Cependant notre attitude dans le monde présent est liée à notre espérance dans le monde à venir. Travaillons donc à un équilibre qui honore Dieu.

Les questions écologiques ont pris une importance croissante dans le débat public depuis la Seconde Guerre mondiale. La puissance de destruction des armes modernes — nucléaires, chimiques et bactériologiques — pose des problèmes angoissants ; les conséquences de la pollution engendrée par l'exploitation industrielle des ressources naturelles ont provoqué des catastrophes. Les réactions étaient inévitables.
Dans leur ensemble (toutes dénominations confondues), les chrétiens n'ont pas vraiment anticipé cette crise, ni toujours réagi avec la rapidité que l'on était en droit d'attendre de leur part. La prise de conscience de leur responsabilité dans " la sauvegarde de la création " est assez récente. Des théologiens ont suscité une réflexion sur ce thème, mais peu d’actions concrètes en faveur du " développement durable ". Cette dernière notion n’est pas toujours facile à définir, et moins encore à mettre en œuvre. Il s’agit, en effet, de trouver des solutions agricoles, industrielles et urbaines, qui nuisent le moins possible à l’environnement, tout en permettant de nourrir au mieux le plus grand nombre d’individus dans le monde, sans freiner le progrès économique, technologique, scientifique. Bel idéal, qui s’apparente à la quadrature du cercle ! Mais est-ce une raison suffisante pour que les chrétiens ne se mobilisent pas pour l’atteindre ?

En France, plusieurs auteurs protestants évangéliques ont tiré la sonnette d’alarme, depuis environ une trentaine d’années. Le livre de Francis Schaeffer, La pollution et la mort de l’homme, a marqué les consciences au-delà même des cercles évangéliques. Plusieurs articles furent consacrés aux questions écologiques dans Ichtus et la Revue Réformée. Les lecteurs de Fac Réflexion n’ont sans doute pas oublié l’article remarquable d’Henri Blocher : " Dieu est-il vert ? ". Notons enfin que plusieurs auteurs anglo-saxons ont su alerter les chrétiens évangéliques sur la nécessité de préserver la création, notamment le professeur John Stott, ornithologue amateur passionné. Sur un plan plus pratique, le pasteur anglican (évangélique) Peter Harris, lui aussi ornithologue confirmé, a fondé l’association chrétienne internationale " A Rocha " (Le Rocher). Cette association a pour principaux objectifs de sensibiliser les chrétiens à la protection de l’environnement dans une perspective chrétienne et de fonder des centres de recherche scientifique sur des sites naturels menacés.

Tout doit-il disparaître ?

Certains chrétiens évangéliques éprouvent cependant des difficultés à " cultiver et garder " la terre que Dieu confie aux hommes et aux femmes de toutes les générations. Ils mettent l’accent, de façon excessive, sur la malédiction qui a frappé le sol après la Chute et sur le péché qui affecte désormais toute la création ; ils séparent le " spirituel " du " matériel " ; ils insistent sur les dernières phrases du Credo, le retour de Jésus-Christ et le jugement dernier, la " dissolution de toutes choses " évoquée par l’apôtre Pierre dans sa deuxième lettre.
Si l’humanité et la nature subissent les conséquences de la Chute, le mandat culturel demeure. Il est défini par les trois couples de verbes employés dans la Genèse : Croître et multiplier, dominer et soumettre la terre, cultiver et garder le " jardin ". Il nous faut lutter contre l'idée d’une terre définitivement maudite, ou contre celle, issue du platonisme et du gnosticisme grecs, d'un " ciel ", un " royaume de Dieu " désincarné, libéré de toute matière assimilée au mal, le lieu des âmes pures sans corps. On retrouve cette même pensée dans les religions ou philosophies orientales, qui considèrent le monde matériel comme une illusion et le monde spirituel comme supérieur. La pensée biblique ne méprise pas cette création, qui est déclarée bonne. Le Seigneur lui-même a choisi de s’incarner en homme et Jésus ressuscite avec un corps que son disciple Thomas peut toucher.
La discontinuité entre l’ancienne et la nouvelle création n’est pas aussi radicale. Rien ne nous autorise à négliger cette terre ou à la laisser se dégrader, sous prétexte que " tout doit disparaître ! ", comme dans les magasins où l’on solde les articles pour liquider les stocks ! Le livre de l’Apocalypse avertit que " Dieu détruira ceux qui détruisent la terre ". La Bible l'évoque à plusieurs reprises, Jésus lui-même le souligne : le jugement purificateur aura bien lieu. Mais plusieurs textes évoquent aussi la continuité entre cette création devenue corruptible et la nouvelle création incorruptible à venir, déjà révélée en Jésus-Christ ressuscité.

Dieu demeure le Seigneur de toute la création, et c'est donc l'ensemble de cette création qui est appelée, avec les élus de Dieu, au salut en Jésus-Christ, au rétablissement de toute chose évoqué par l’apôtre Paul. Des relations justes, inspirées par l’amour, seront rétablies entre les créatures et leur Créateur, mais aussi entre les créatures et la création tout entière, grâce à l’œuvre de rédemption accomplie par Jésus-Christ. La création attend et soupire après cette restauration finale.

Développement durable ?

L’annonce de l’Evangile, la conversion des hommes et des femmes à Dieu, un véritable changement de comportement dans tous les domaines de notre vie, peuvent atténuer les effets du mal, tant parmi les humains que dans la nature. La création et les créatures seront mieux respectées, mais cette amélioration restera partielle. Il n’y a pas d’écologie parfaite. Nous ne croyons pas que l’homme sera capable d’établir le règne de Dieu sur terre, grâce à son intelligence, son habileté technique, ni même grâce à ses mesures de protection de l’environnement ou ses actions en faveur d’un " développement durable ". Nous devons rester vigilants et dénoncer la réalité du mal, comme nous devons aussi dénoncer l’utopie du progrès ou de la productivité qui nous délivreraient de ce mal ancré dans le cœur de l’être humain.
Nous ne sommes cependant pas contre le progrès, contre l’évolution des techniques qui nous procurent un certain confort. Le piège est réel : le confort peut nous conduire à ne plus reconnaître en Dieu notre Créateur, dont nous demeurons dépendants ; il peut aussi nous donner l’illusion que notre pouvoir sur la création et les créatures, dont nos semblables, est sans limite. Mais cet obstacle ne doit pas nous empêcher de contribuer à améliorer les conditions de vie sur cette terre. Nous pouvons la " dominer " et la " soumettre " pour le bien de l’humanité, avec sagesse et discernement, sans en épuiser les ressources de façon inconsidérée et prématurée ; nous pouvons rester sensibles à notre environnement et œuvrer en faveur d’un développement non seulement durable, mais aussi équitable, dans une authentique perspective chrétienne, en communion avec Dieu. Notre attitude dans le monde présent est liée à notre espérance dans le monde à venir. Prendre soin de la création, c'est une façon d'aimer Dieu et de lui exprimer notre reconnaissance ; cela nous permet aussi d’aimer notre prochain !

Frédéric Baudin,
écrivain et conférencier