Vis-à-vis Feu
dartifice philosophique La pensée de Jean Brun mérite attention : débusquant les faux saluts inventés par l'homme comme les errances des théologiens mordernistes, l'acuité de vue du philosophe à la verve acérée accule à la cohérence de la pensée et ouvre au respect de la révélation biblique. Né dans une famille protestante, à
Agen, en 1919, Jean Brun, après des études en Sorbonne,
a enseigné à Nîmes, Bordeaux et Londres, avant de
devenir professeur de philosophie à lUniversité
de Dijon. Jean Brun sest fait connaître par les livres quil a écrits sur les philosophes grecs dans la collection, à large diffusion, " Que sais-je ? ". Louvrage sur Pascal, dans cette collection, est très révélateur, non seulement de la pensée du grand apologète du XVIIIe siècle, mais aussi de la pensée de Jean Brun ! Celui-ci a également publié de nombreux essais, tels que La nudité humaine, A la recherche du paradis perdu, Les vagabonds de loccident, qui présentent une analyse de la recherche de sens faite par lhomme, dans laquelle il insiste sur les impasses et les échecs de la culture contemporaine. Jean Brun a aussi laissé des études plus vastes comme Vérité et christianisme ou LEurope philosophe. Il était passionné par la pensée du Danois Soeren Kierkegaard dont la publication des uvres complètes, en français, lui doit beaucoup. Une tragique histoire Pour Jean Brun, lexistence de
lhomme est marquée par une cassure, celle de sa
sortie du paradis perdu. Lhistoire de la culture
est, donc, une histoire tragique, lhomme cherchant,
sans pouvoir y arriver, et par tous les moyens, à
retrouver ce quil a perdu. Impossible quête de
guérison
même espérer se guérir par soi-même
est signe de maladie. Il est rare de rencontrer
quelquun aux connaissances aussi vastes que celles
de Jean Brun. Il était renseigné sur presque tout, non
seulement sur lhistoire des idées mais aussi sur
la peinture, la musique, lactualité et même
sur le lieu où trouver les authentiques fromages de
Roquefort ! Tout en la détestant, il était comme
fasciné par la décadence de la culture de la fin du XXe
siècle. Il aimait monter en épingle les incohérences
dun Sartre ou dun Derrida, et il détestait
les " intellos " parisiens. Méfiez-vous des contre-façons ! Les conférences de Jean Brun étaient de véritables feux dartifice ; leurs auditeurs ne risquaient pas de sennuyer, même si, parfois, ils en sortaient secoués ou choqués. Il est arrivé quon reproche à Jean Brun de ne pas être assez explicite dans laffirmation de sa foi chrétienne. Sans doute formulait-il, en effet, plus de questions que de réponses dans ses écrits, dans ses exposés. Sa foi était pourtant réelle et profonde, même si on peut sétonner, de la part dun esprit aussi brillant, quil nait pas essayé de la structurer de façon théologique. A-t-il lu Jean Calvin ou Auguste Lecerf ? Il est difficile de laffirmer à partir de ses écrits. Lérudit quétait Jean Brun se méfiait des dangers de la connaissance, larbre de la connaissance étouffe larbre de la vie Néanmoins, pour Jean Brun, la différence entre la foi et la raison, entre la révélation et la religion, entre le vrai chemin et les fausses pistes, entre le Christ et les antichrists reste capitale. La citation suivante, qui marque la différence radicale entre les aspirations de lhomme et la vie comme don, entre lamour païen et lamour chrétien, est particulièrement révélatrice : " La conception païenne de lamour fait de celui-ci une voie ascendante qui mène lhomme vers le divin et vers labsolu. Cet amour, né en nous et de nous, se déploie comme un désir de conquête et de possession ; attiré par le beau, il est la manifestation dune force universelle, qui à la limite saime elle-même. Lamour chrétien, au contraire, est un amour sans motif explicite, il nest pas attiré par ce qui est déjà là ni par limage dun modèle idéal. Amour gratuit, il prend pour objet ce qui na aucune valeur et lui en donne une : il confère de la valeur à ce à quoi il sadresse retrouve dans le prochain limage du sacré dont ce prochain et cet amour sont eux-mêmes issus. Car lamour chrétien ne provient pas de lhomme, il vient de Dieu qui a parcouru la voie damour qui descend jusquà lhomme Lamour selon lEsprit est venu de plus haut que nous-même, il ne sadresse pas à un objet charmeur mais à un pécheur, cest la raison pour laquelle il sème avec espoir, alors même que cet espoir ne paraît pas fondé. " (1) Paul Wells, (1) Jean Brun, cité dans S. Kierkegaard, uvres complètes, XIV, Paris, Orante, 1980, p. XIV-XV. Pour lire plus sur Jean Brun, voir l'article accessible de Denis Moulin : " Jean Brun. Une introduction à sa pensée ", dans La Revue réformée, 2005, n°1. |