Science et actualité

Evolution : on n'a pas beaucoup évolué !
Le point sur la théorie de l'évolution

Loin d'être moribonde, la théorie de l'évolution, en conflit avec la théologie chrétienne, a toujours droit de cité dans l'éducation et les médias. Mais quelle est la validité de cette hypothèse ? Des éléments pour faire le point.

L'affirmation selon laquelle " la théorie de l'évolution " serait aujourd'hui largement et solidement contestée circule depuis fort longtemps dans les milieux évangéliques. Disons-le tout de suite : il ne s'agit que de bruits de couloir lancés par quelques créationnistes américains, et relayés ici par de sympathiques croyants qui prennent ces affirmations pour argent comptant. Or, loin d'être moribond, l'évolutionnisme (ou transformisme) est omniprésent dans les lycées, les universités et toutes les communications scientifiques destinées au grand public, jusque dans des fictions cinématographiques. L'évolution est d'ailleurs devenue un concept extrêmement large qui déborde la biologie pour devenir une sorte d'explication de l'ensemble du réel, interprétant tout autant les phénomènes physiques que ceux ayant trait à l'existence humaine. Darwin semble bien triompher !

Foncière incompatibilité

D'un point de vue chrétien, il ne s'agit pas de tout refuser en bloc ou bien d'inventer une autre science qui puiserait dans la Bible les conclusions auxquelles toute étude scientifique devrait nécessairement parvenir. Laissons le dogmatisme scientifique à d'autres ! Face au défi que le transformisme pose à la foi chrétienne, il convient tout d'abord de faire l'inventaire de la situation, c'est-à-dire de nommer clairement les points de conflit ou d'incompatibilité radicale. J'en relèverai essentiellement trois.
D'abord l'impossibilité, dans le cadre de la théorie, de maintenir l'existence d'une situation originelle paradisiaque. Les conséquences en sont catastrophiques puisque cela nie la réalité historique de la chute. A partir de là, c'est toute l'approche biblique du mal et de la Rédemption qui doit être abandonnée.
Ensuite, le fait que la théorie (surtout chez Darwin) crée un continuum complet dans le monde biologique, de la cellule primordiale jusqu'à l'homme. Le rejet de toute rupture dans la chaîne du vivant s'harmonise difficilement avec la présentation biblique d'une nature nettement différenciée. Le problème s'aiguise avec l'homme dont le statut royal n'apparaît guère dans la notion de "singe évolué".
Enfin, c'est le postulat à propos du "moteur" de l'évolution qui n'est pas acceptable. Pour Darwin, c'est par le jeu combiné du hasard et de la sélection que les êtres vivants se sont diversifiés. Telle est la thèse de " l'Origine des espèces " parue en 1859. Jacques Monod dira, en 1970, qu'il s'agit du " hasard et de la nécessité ".
On ne peut reprocher aux scientifiques d'échafauder des hypothèses pour tenter de comprendre le monde qu'ils observent. On ne peut pas leur reprocher non plus de ne pas faire appel à Dieu chaque fois qu'un problème résiste à toute explication. Pas plus qu'eux, nous ne voulons d'un Dieu bouche-trou qu'on écartera d'un revers de la main dès qu'une solution satisfaisante sera trouvée. Cependant, le transformisme, en affirmant que la nature n'obéit à aucun plan déterminé, qu'elle ne manifeste aucune marque d'un projet intelligent, s'oppose bien évidemment à la notion d'un Dieu créateur.

On le voit, les points de conflit avec la théologie chrétienne sont très sérieux. Il n'est donc pas étonnant que " la théorie de l'évolution " ait contribué pour une large part à saper la crédibilité du christianisme. Et pourtant, à y regarder de plus près, le grand récit évolutionniste cache sous le manteau de sa notoriété des débats internes aux conséquences considérables, ainsi que des zones fragiles que seuls quelques esprits idéologiquement acquis se refusent à considérer. Mais avant d'évoquer brièvement quelques talons d'Achille du système, il faut rendre justice à Charles Darwin, en reconnaissant qu'une partie de ses intuitions s'est trouvée confortée par la suite. En effet, il est aujourd'hui acquis qu'une micro-évolution par voie de mutation et de sélection naturelle a bien lieu dans l'ordre du vivant. Par micro-évolution, on entend les variations au sein d'une même espèce, voire même le passage progressif d'une espèce à une autre au sein d'un même genre. Ces constatations ne sont cependant pas suffisantes pour justifier à elles seules une extrapolation du phénomène à grande échelle (macro-évolution). C'est une chose que de concevoir le passage d'un goéland à un goéland d'une autre espèce, d'une mouche à d'autres mouches, et s'en est une bien différente d'affirmer que les reptiles ont fini par donner naissance aux oiseaux !

Talons d'Achille

La première difficulté inhérente à la théorie concerne l'homologie que Darwin considère comme l'argument le plus suggestif pour avancer l'idée d'un ancêtre commun à des espèces très différentes. " N'est-il pas remarquable que la main de l'homme faite pour saisir, la griffe de la taupe destinée à fouir la terre, la jambe du cheval, la nageoire du marsouin et l'aile de la chauve-souris soient toutes construites sur un même modèle et renferment des os semblables, situés dans les mêmes positions relatives. " D'après lui, aucune autre hypothèse que celle d'une filiation ne peut expliquer pourquoi des membres si différents, ayant des fonctions si variables, devraient obéir à la même structure anatomique. Cependant, depuis l'époque de Darwin, les découvertes en embryologie et en génétique n'ont pas confirmé le pressentiment du grand naturaliste. Les connaissances au niveau de la formation de l'embryon sont surprenantes. Elles montrent que les sites d'où dérivent les structures homologues sont différents dans les diverses classes de vertébrés. Autrement dit, on arrive à ces structures semblables par des chemins qui ne le sont pas. Au niveau génétique, les choses se compliquent encore puisqu'on a découvert que ces fameuses ressemblances structurelles sont déterminées par des gènes totalement différents d'une espèce à l'autre. " Invariablement, avec le progrès des connaissances biologiques, l'importance des explications généalogiques courantes de la similitude n'a cessé de décroître. "

Le deuxième point noir des transformistes, c'est la vieille question des chaînons manquants. Il faut savoir que pour Darwin, l'évolution ne peut s'être produite que très progressivement, et il admet en conséquence que la chaîne des formes intermédiaires doit être très longue. Par exemple, entre l'ancêtre de la baleine et cette dernière, il faut au minimum quelques centaines d'intermédiaires, voire des milliers. Mais où sont donc passés ces indispensables chaînons ? La paléontologie a permis de mettre à jour beaucoup de nouvelles espèces et on a ainsi enrichi considérablement notre savoir sur le vivant par rapport à l'époque de Darwin… mais sans trouver grand'chose à se mettre sous la dent au titre " d'espèce intermédiaire ". On invoque, bien sûr, 36 explications, mais le fait est là : " il reste toujours aussi vrai aujourd'hui que les premiers représentants de toutes les grandes classes d'organisme connues de la biologie sont déjà très caractéristiques de leur classe lorsqu'il font leur apparition initiale dans les gisements fossiles. "
Le problème est devenu si épineux que dans les années 1970, les paléontologistes américains Niles Eldredge et Stephen Jay Gould ont opté pour un type d'évolution par à-coups, avec des moments clés pendant lesquels, en peu de temps et dans des populations restreintes, de nouvelles espèces apparaissent. Cette intuition semble se vérifier, mais là encore, il est douteux que l'on franchisse dans ces à-coups des discontinuités majeures.

Hypothèse hasardeuse

La raison de ce doute tient à la faible capacité opérationnelle du moteur de l'évolution, à savoir le hasard. Chaque organisme étant un système cohérent, toute modification ne peut se faire qu'à la condition de ne pas mettre cette cohérence en péril. Avec cette contrainte, on se heurte rapidement aux limites que le système impose. Pour aller plus loin dans le changement, il faut concevoir un saut beaucoup plus important qui implique une réorganisation globale du système avec une nouvelle coadaptation de ses divers composants. Or, les mutations étant (dans la théorie) totalement aléatoires, il faut donc s'attendre à ce que cette réorganisation surgisse d'un très heureux coup de dés. On pense généralement qu'avec des milliards d'essais, il arrivera bien un jour où l'un d'entre eux sera le bon ! Mais c'est une vue de l'esprit qui ne peut pas être corroborée mathématiquement. Le hasard pur ne peut solutionner que des problèmes très simples. Dès qu'il y a tant soit peu de complexité, aucune approche aléatoire ne fait preuve d'efficacité. Face aux macro-mutations et tout ce qu'elles impliquent, il est complètement illusoire de penser que celles-ci pourraient surgir d'une quelconque statistique. Il s'agirait bien plus d'un fabuleux miracle ! Charles Darwin était déjà conscient de cela et c'est pourquoi il rejetait énergiquement l'hypothèse d'une évolution par saut.

Oui mais, s'il n'y a pas de saut, et si le gradualisme ne permet pas d'aller très loin dans les changements, et par ailleurs, si l'homologie n'est pas si parlante que ça en faveur d'un ancêtre commun, que reste-t-il de la théorie générale ? Pourquoi l'évolutionnisme nous est-il présenté comme un savoir certain ? La réponse à cette question est double me semble-t-il. D'une part les scientifiques n'ont pas vraiment de théorie de rechange… et la science a horreur du vide ; et d'autre part on voit bien que cette théorie participe à la vision globale du monde que les sociétés occidentales ont développé depuis le XVIIIe siècle. Elle en est même un de ses piliers. En somme, des raisons plus philosophiques que scientifiques motivent l'acharnement que beaucoup mettent en œuvre pour diffuser cette théorie et pour tenter de l'étayer scientifiquement. Pas étonnant dans ces conditions que l'évolutionnisme ait du mal à évoluer !

Daniel Bergèse,
animateur biblique