Spiritualité

La vie avec Dieu
La piété, témoignage personnel

La piété n’est pas un savoir-faire, c’est un état d’esprit : faire de la place pour Dieu, de plus en plus. Elle n’est pas une méthode mais une marche persévérante qui a ses balises pour aider à avancer, c’est un combat à l’enjeu impressionnant mais qui se gagne dans la paix.

La foi réformée évangélique repose sur la foi en la providence divine (cf. Confession de la Rochelle). Elle est solide, sûre et chaleureuse. Elle n’est pas sentimentale ( XIXe siècle), ni non plus libérale ( libéralisme théologique). Dommage que beaucoup, aujourd’hui, prennent pour du bon pain les commentaires théologiques de la télé, les introductions et les annotations des Bibles commercialisées !
En dehors de la foi en la toute-puissance divine et en l’œuvre de notre Sauveur en croix, la piété sert à peu de choses… Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, Dieu de toute la Bible… non des philosophes ! C’est lui que nous adorons. Quel bonheur d’arrêter la télé ! C’est ainsi que je peux écouter Dieu, le chant du monde et le chant intérieur. Loin de la pensée unique, je forge ma propre opinion. Et de cette foi fondée sur la toute-puissance de Dieu, il découle une douce confiance, une confiance filiale, une certaine douceur de vivre. Notre piété n’est pas illuminisme, certes pas ! Elle est attente paisible, douce quiétude, avec un zeste de mélancolie… depuis la chute pourquoi pas ? Elle comprend des temps de liesse et des temps de silence. Des moments de silence dans l’attente d’une Parole qui ne manque pas.

Bible, prière et communauté

Je visite les paroissiens : ils ont des feuillets du calendrier, des prières écrites, des pensées de la Bible. Il existe, c’est vrai, de nombreux ouvrages de piété : autant de méditations quotidiennes que de jours dans l’année, et plus encore ! Tout cela aide, mais nous avons tout de même besoin d’une vision globale des Ecritures. En effet, la piété n’est pas faite que de demandes fiévreuses " Seigneur, fais que ! ", mais en venant au texte biblique, en le méditant, on se laisse questionner par Dieu ! Ce qui est conseillé, ici, c’est de lire, au moins à un des trois repas, un chapitre de la Bible, en suivant. Une bougie, une feuille éclairée par une seule lampe, une belle musique… le top, quoi !

Lorsque je rends visite, j’interroge : priez-vous ? Si oui, avez-vous des réponses ? Des réponses ? ! Ah, mais je croyais que prier égale réciter ! Savez-vous qu’un revivaliste a écrit : " si vous ne demandez rien (de personnel) à Dieu, vous ne risquez pas de voir des réponses ! " Il existe un point difficile dans nos Eglises, c’est la prière communautaire. Pourtant la prière spontanée, en groupe, sert à encourager, à se porter les uns les autres dans l’intercession : " Ah, je me sens moins seul maintenant ! " Rappelons qu’au source du réveil méthodiste, il y a eu le holy club : on se retrouver régulièrement pour faire le point, pour prier. Un autre souci (le dernier !), c’est qu’on cloisonne souvent le prière : ici, on ne dit que des prières de louange ! Je contourne le problème en disant : " Merci, Seigneur, parce que… parce que tu veux le bonheur de mon voisin, parce que tu veux que je sois heureux, etc. "

Pour grandir, nous avons besoin de grandir ensemble. Mais, la piété réformée est-elle froide, glaciale, comme on le prétend ? Faux, car si j’écoute le chant des psaumes avec des instruments anciens, je trouve là beaucoup de sentiments. En tout cas, nous ne devrions jamais nous moquer de nos frères évangéliques extravertis ; ils ont, dans leurs combats, beaucoup à nous apprendre. Introvertis-extravertis, c’est tout un ! Il s’agit, en fait, d’un même désir. Disons-le : pourvu qu’ils s’harmonisent, guitare électrique, batterie, psalérion, sambuque, chalumeau… sont tous les bienvenus dans notre culte !
La conséquence de cette piété fondée sur la confiance en Dieu est qu’elle ne cherche pas à posséder, mais qu’elle laisse libre. Et lorsque j’ai paix, stabilité en Dieu, je peux accueillir l’autre, l’Autre, moi, chacun dans sa complexité.

Actif dans le combat

La piété, en fait, n’est autre qu’endurance : c’est vouloir marcher avec Dieu dans la durée. Cela demande qu’on y prête attention. Mais, comme le dit Daniel Bourguet dans l’un de ses ouvrages, ne faisons pas du corps un ennemi ; au contraire, dans la spiritualité, comme ailleurs, il est notre allié. Nul athlète ne va à la victoire avec un corps malade ! Au contraire, pour de bons résultats, il faut l’entretenir. J’ai des insomnies (avec le mal au dos, les maladies du siècle !) : écoute une musique, lis un chapitre, fais-toi chauffer de l’eau… Bref, ne cède pas à la panique. Prends-tu au moins le temps de promener ? Sais-tu que la nature a toujours quelque chose à te donner ? As-tu déjà couru en ville, à la campagne, avec J.-S. Bach dans le lecteur CD ?… Le luxe, quoi ! " La piété, c’est l’endurance, c’est vouloir marcher avec Dieu dans la durée ".
Mais, le sais-tu : avec le diable, il ne faut pas être romantique ! Tu dois, si possible, t’empêcher matériellement de faire le mal. C’est ce que j’appelle " ascèse " : ascèse des situations conflictuelles pour le colérique, ascèse des sucreries pour le gourmand (pour ne pas parler d’autres vices !) etc .La vie spirituelle avec Dieu est un combat… qui se gagne dans la paix. Oui, la vie seule, retirée, a du poids aux yeux de Dieu. Tout ce que tu fais prend place dans cette lutte pour la terre qui oppose le diable à Dieu. Dans ce sens, tous nos choix ont de l’importance : soit tu donnes raison à Dieu, ou c’est au diable que tu donnes raison. Dans le secret se préparent les victoires… les défaites aussi ! C’est pourquoi, je mets des moyens à ma disposition : dans la Bible, j’écris des prières, elles sont là dans l’attente d’une réponse ; et puis, j’ai un carnet de combat, un petit carnet avec des pensées : un journal de combat. Dans ce carnet, j’écris ce qui marche, ce qui ne marche pas ; ce qui me trouble, ce qui m’apaise. L’avantage de ce carnet-de-combat, c’est que, dans les rechutes, je me sens toujours actif, actif dans le combat.

Un travail de deuil

La piété n’est pas un savoir-faire, une méthode, c’est un état d’esprit. Elle consiste à se faire pauvre, à retrouver sa place de pauvre devant Dieu pour se laisser nourrir par lui. S’appauvrir et se laisser nourrir par dieu, c’est ce que montrent les Béatitudes. Pour ce, refusons les pilules bleues, roses… les pilules du bonheur qu’on achète à prix d’or. Aujourd’hui cette chose me fait du bien, demain elle ne me dit rien ! Le nerf de la piété, tu l’as compris, n’est pas de suivre une méthode. Ce nerf consiste à faire de la place pour Dieu, ce qui suppose que chacun veille afin de ne pas être esclave. Bref, la vie avec Dieu, c’est élaguer, couper… élaguer les branches inutiles pour que la vie grandisse comme un arbre. Il est question ici d’un travail de deuil : il consiste à se séparer de tout ce qui retient. " Satan, sais-tu que Dieu veut mon bonheur ? C’est donc à Lui (et surtout pas à toi) de faire mon plaisir, de me donner du bien-être ! "

Joël Déjardin,
pasteur à Saint Hippolyte du Fort