Vie chrétienne Esdras
1.5
C'est à juste titre que plusieurs chrétiens se montrent sensibles à la dimension du Réveil. Non seulement, en effet, l'histoire de l'Eglise a connu (et connaît encore) un certain nombre de Réveils significatifs, dont quelques ont eu un impact important sur leur époque, mais la Bible elle-même en relate plusieurs, de manière fort instructive. " Tous ceux dont Dieu réveilla l'esprit se levèrent pour bâtir la maison de l'Eternel ". Le Réveil qui va retenir notre attention ici fut suscité en l'an 538 avant Jésus-Christ, à Babylone, et marqua le terme d'une période de soixante et dix ans d'exil (Jérémie. 25.12 ; 29.10). Pour se faire une idée de l'état d'esprit dans lequel se trouvait une partie au moins de ces exilés, il faut relire le Psaume 137 : " Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion. Aux saules de la contrée nous avions suspendu nos harpes Comment chanterions-nous les cantiques de l'Eternel sur une terre étrangère ? Si je t'oublie, Jérusalem, que ma droite m'oublie... ". Ces israélites manquaient-ils de nourriture ? Etaient-ils persécutés ? Non. Ils étaient seulement loin du lieu où Dieu avait établi sa demeure ; ils étaient seulement entourés de gens qui ne connaissaient pas Dieu. Et cela les rendait malheureux. Ils languissaient après les parvis de l'Eternel, après le salut de Dieu ! (Psaume 42. 2 ; 130.6). Sans mérite mais responsable Le Réveil ne se mérite pas, il ne récompense pas les meilleurs Et cependant, il y a des conditions qui favorisent sa venue. Une de ces conditions est l'insatisfaction, la tristesse. Pas l'insatisfaction du capricieux ou de l'ingrat ; pas la tristesse de l'égoïste ou de l'incrédule ! Mais plutôt l'insatisfaction et la tristesse de ceux qui ne peuvent plus se satisfaire des choses futiles et passagères dont se contente pourtant le plus grand nombre ; l'insatisfaction et la tristesse de ceux qui ont pris conscience de la gravité du péché, avec les innombrables conséquences de souffrance et aussi d'offense à Dieu ! En réalité, il semble bien que ce qui préoccupe le plus ceux que Dieu va réveiller, c'est moins leur propre situation que celle de " la maison de Dieu " ; c'est moins l'injustice qui les touche eux que celle qui touche l'honneur de Dieu et la gloire de son Nom. Le Réveil n'a pas pour finalité le bien de l'homme, mais la cause de Dieu ; même si les deux sont liés ! " Tous ceux dont Dieu réveilla l'esprit se levèrent pour bâtir la maison de l'Eternel " (Esdras 1.5). Le Réveil a donc pour objectif
l'uvre de Dieu. A cela, on peut clairement ajouter
ceci : le Réveil est suscité par Dieu lui-même.
Certes, des hommes sont impliqués, leur attitude compte,
leur responsabilité (notre responsabilité) est
entière. Certes, le Réveil suppose des décisions, des
engagements ; mais le Réveil n'est pas le fruit d'une
décision, d'un projet tout humains. Si Dieu n'intervient
pas, il n'y aura pas de Réveil, les hommes demeureront
dans l'indifférence, ou dans l'attente, ou dans les
vains efforts. Cela est particulièrement visible au
début du livre d'Esdras où nous voyons Dieu réveiller
l'esprit de Cyrus, roi de Perse, adorateur d'Ormuzd. Il
n'est pas dit que Cyrus se soit converti. Il est dit que
Dieu réveilla son esprit pour faire de lui un
instrument dans son uvre, et Cyrus sera appelé
" berger de Dieu " par le prophète
Esaïe (44.28). Cela nous étonne ! Cela confirme que
c'est l'uvre de Dieu qui importe, et pour cela,
Dieu utilise qui il veut ; même ses ennemis ! Pour
l'accomplissement de son dessein, Dieu a endurci le
cur de Pharaon et éveillé celui de Cyrus !
(Romains 9.14-16). Il y a là une part de mystère : non
pas quelque chose de trouble, de démobilisateur, mais
quelque chose que l'on ne peut saisir entièrement et
qui, cependant, doit nous rendre extrêmement attentifs.
Aux Philippiens, l'apôtre Paul dira : " C'est
Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon
son bon plaisir". Avant d'ajouter : " Faites
toutes choses sans murmure ni hésitation, afin que vous
soyez irréprochables et purs "(2.13-14 ; cf.
Romains 11.33 à 12.2). Toute la Bible en témoigne :
Dieu est entièrement souverain et nul ne peut
s'approprier aucun mérite ; et cependant tout homme est
responsable de l'attitude de son cur, de ses
pensées, de ses choix, de ses paroles. " Tous
ceux dont le cur était bien disposé vinrent, les
hommes comme les femmes
" (Exode
35.22). Chacun et tous ensemble Nous apprenons encore, dans ce récit
du livre d'Esdras, que le roi constitue, à certains
égards, une clé pour son pays. Que l'on soit en
démocratie ou pas, il y a une dimension spirituelle
attachée à la fonction des personnes placées en
position d'autorité. Nous devons avoir pour elles des
égards, ne leur résister que si Dieu le demande,
intercéder en leur faveur (1 Timothée 2.2). Le domaine
politique n'est pas un domaine neutre. Le cur d'un
chef d'Etat, même non chrétien, peut devenir sensible
à la justice, c'est-à-dire à ce que Dieu considère
comme juste ! (Proverbes 21.1). En citant le roi, les chefs de famille,
les responsables religieux et enfin le peuple, le texte
biblique (Ancien et Nouveau testaments) rappelle la
double dimension, individuelle et communautaire du
Réveil et de la marche chrétienne. Chacun peut devenir
une porte, un canal, un instrument, et pour cela, se
présenter devant Dieu comme s'il était seul ; comme si
lui seul était appelé ! Cependant, cet engagement
personnel ne doit jamais devenir individualiste : Dieu
veut que son peuple se lève. Les membres ne sont pas
sans le corps ! Dans un Réveil, il y a une contagion de
l'esprit d'humilité, de l'esprit de repentance, de
l'esprit de consécration. Le premier qui se lève ouvre
la route à un grand nombre ! De nouvelles priorités L'expression " se lever pour bâtir " est évidemment très éloquente. Elle évoque le dynamisme d'une résurrection, une prise de conscience bouleversante, un changement total dans l'échelle des valeurs. Ce qui paraissait important est devenu dérisoire ; ce qui était caché est devenu évident ; ce qui était oublié est devenu capital, prioritaire ! La maison de l'Eternel ! Le désir de servir est devenu impérieux. La volonté de s'offrir à Dieu a pris le pas sur tous les attachements charnels, mondains, sur toutes les convoitises, toutes les séductions. " Ils rétablirent l'autel sur ses fondements, quoiqu'ils eussent à craindre les peuples du pays, et ils y offrirent des holocaustes à l'Eternel, les holocaustes du matin et du soir " (3.3) (1). Ce que Dieu demande, ce que Dieu attend, voilà ce qui importe maintenant ; pas les habitudes, pas ce que pensent les autres, pas même le prix à payer. On ne peut pas tout concilier. Il y a des choix qui doivent s'imposer. Effectuer un choix selon Dieu, c'est le symptôme d'un Réveil ! Choisir non seulement entre le mal et le bien, mais aussi entre le bien et le meilleur, entre ce qui est permis et ce qui est utile, entre ce qui est possible et ce qui est important Choisir ce que Dieu veut maintenant. Faire exactement ce qu'il me demande, dans l'obéissance de la foi Le Réveil décrit par Esdras laisse
apparaître des manifestations caractéristiques. On y
constate une forte unité de cur et de pensée
(3.1), comme cela apparaît au début du livre des Actes
(2.42 ; 4.32). Aujourd'hui, en plus de l'individualisme,
le pluralisme doctrinal et la culture du débat rendent
cette idée d'unité suspecte. Cependant, l'unité
spirituelle des serviteurs de Dieu sera sans doute une
clé du Réveil. On y constate une dimension de
proclamation et de joie (3.10-13) ; non par émotion
seulement, mais par conviction. Que traduisent nos
musiques, nos chants : nos sentiments ou notre pensée
véritable ? le plaisir d'un moment ou notre espérance
profonde ? Charles NICOLAS
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