Méditation biblique Sémerveiller
devant la liberté de Dieu dans le salut Tout chrétien qui se demanderait pourquoi Dieu lui a fait grâce aurait avantage à se pencher sur laudacieux dialogue entre Moïse et Dieu, rapporté en Exode 33, dialogue qui éclaire dune lumière singulière la notion de gloire divine. Moïse dit : " Fais-moi
voir ta gloire, je ten prie ! ".
Dieu répondit : " Je ferai passer devant toi
toute ma bonté et je proclamerai devant toi le nom du
Seigneur ; je ferai grâce à qui je ferai grâce,
et jaurai compassion de qui jaurai
compassion " (Exode 33.18-19). Espérance et assurance Le chapitre 32 relate le fameux épisode du veau dor. Dieu avait alors déclaré à Moïse : " Je vois que ce peuple est un peuple rétif. Maintenant laisse-moi faire : je vais me mettre en colère contre eux ; je les exterminerai, et je ferai de toi une grande nation " (v. 9). Moïse fait alors monter vers Dieu une prière désespérée en faveur du peuple, dans laquelle il ne sappuie pas sur la valeur dIsraël mais sur le caractère de Dieu (v. 11-13). Puis Dieu lui promet la présence dun ange (messager) devant eux (v. 34). Mais Moïse demande à Dieu dêtre lui-même avec eux (33.15) alors même que Dieu avait déclaré quil ne monterait pas au milieu deux de peur de les exterminer à cause de leur désobéissance (33.3). Et, chose impensable, Dieu accède à sa requête (33.17). Pourquoi Moïse demande alors à voir la gloire de Dieu ? Moïse savait que sa demande dune présence de Dieu au sein dun peuple rétif ne recevrait pas de réponse favorable si elle dépendait de lui ou du peuple (cf. 34.9 où Moïse sinclut dans le péché du peuple). Pour avoir lassurance que Dieu fera réellement grâce à Israël, il avait donc besoin dun fondement, dune raison, qui soit en Dieu et non qui dépende de lui ou du peuple. Cest pourquoi Moïse demande à Dieu de lui montrer sa gloire. Et cest là que Dieu lui répond : " Je ferai passer devant toi toute ma bonté et je proclamerai devant toi le nom du Seigneur ; je ferai grâce à qui je ferai grâce et jaurai compassion de qui jaurai compassion. " Ainsi, dans le contexte de lExode, la déclaration de la liberté souveraine de Dieu de faire grâce à qui il veut est faite pour donner à Moïse lespérance et lassurance que Dieu peut et sera effectivement plein de grâce pour ce peuple " à la nuque raide ", et quil les accompagnera jusque dans le pays promis. La Bible ne nous entrouvre jamais le voile sur la nature divine simplement pour nourrir une discussion intellectuelle. Elle ouvre le nom et la gloire de Dieu à notre entendement pour nous aider à vénérer Dieu, à laimer, à lui faire confiance et à lui obéir. Ainsi quand Dieu se tient devant Moïse et lui dévoile le tréfonds de son être, la gloire de sa liberté absolue, il le fait dans un but très pratique : encourager Moïse à continuer sa mission. Election inconditionnelle Appliquée au salut cette vérité sappelle lélection inconditionnelle, " élection " signifiant que Dieu sauve qui il veut et " inconditionnelle " que ce choix nest fondé sur aucune condition ou qualité que les individus possèdent. Il ny a rien en dehors de lui qui loblige à faire grâce à quiconque. Lorigine de ses choix est en lui-même (cf. Deutéronome 7.7-8 où il est dit que Dieu a choisi et aime Israël parce quil... laime !). Le Nouveau Testament expose en maints passages qui ne sont pas le fait dun seul des écrivains du corpus néotestamentaire cette même vérité. Nous en retiendrons cinq. Tout dabord Romains 9.14-18 où Paul anticipe linterrogation quant à savoir sil y aurait quelque injustice en Dieu, du fait de son choix de Jacob au détriment dEsaü, et y répond en citant précisément Exode 33.19 auquel il ajoute un commentaire : " Ainsi donc, cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui a compassion (...) de qui il veut ". La base, le fondement, la raison, la motivation de la miséricorde de Dieu envers nous nest pas en nous mais dans sa volonté. Quand je " choisis " Dieu cest parce quil ma dabord choisi, réalité qui ressort aussi de la remarque de Luc qui, pour évoquer leffet de la prédication de Paul dans la synagogue dAntioche, écrit : " tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants " (Actes 13.48). Si dans ce texte nous voyons pourquoi certains croient ils étaient destinés à la vie éternelle , en Jean 10.26, Jésus lui-même nous apprend pourquoi dautres ne croient pas : " si vous, vous ne croyez pas, cest parce que vous nêtes pas de mes moutons ". Autrement dit le fait de croire ne fait pas de nous " un mouton " mais cest le fait dêtre " un de ses moutons " qui nous rend capables de croire. Limage biblique de ladoption que lon trouve, entre autres, dans le passage bien connu sur le sujet de lélection quest Ephésiens 1.4-6 (" Dans son amour, il nous a destinés davance par Jésus-Christ à ladoption filiale, pour lui, selon sa volonté bienveillante, afin de célébrer la gloire de sa grâce ") exprime aussi cette vérité quen matière de salut, de bout en bout, tout repose en Dieu. En effet ladoption dépend de la volonté des parents et non de celle de lenfant. Ainsi Dieu fait grâce à qui il veut faire grâce. Humbles car dépendants Mais si la gloire et le nom de Dieu,
cest sa liberté souveraine, que penser alors de
notre foi et de notre obéissance ? Cest la
deuxième épître de Pierre qui nous fournit la réponse
: " mes frères, efforcez-vous dautant
plus de confirmer lappel qui vous a été adressé
et le choix dont vous avez été lobjet. Si vous
faites cela vous ne trébucherez jamais. "
(1.10). Le zèle que vous déployez dans votre foi et
votre obéissance ne fait pas de vous un élu : il
confirme que vous lêtes. La foi obéissante est un
don et la posséder est une confirmation de la faveur de
Dieu qui donne. Dieu nest pas amené à nous
choisir à cause de notre foi, mais nous sommes amenés
à avoir la foi parce que Dieu nous a choisis. Il fait
grâce à qui il fait grâce. La première cest
lhumilité. Il nest pas de doctrine qui
pousse plus à lhumilité que celle qui nous dit
que chaque vertu possédée nous la devons à la grâce
souveraine de Dieu. Combien nous avons besoin de nous
rappeler et de nous appuyer sur cette vérité que notre
foi est un don absolument gratuit et immérité, combien
nous sommes totalement dépendants de Dieu. Encouragement et joie La deuxième cest
lespérance pour le " pire "
des pécheurs. Cest ce que cette doctrine a
procuré à Moïse. Il avait besoin despérer que
Dieu pouvait réellement faire grâce à un peuple
rebelle qui venait juste de commettre le péché
didolâtrie et de mépriser le Dieu qui les avait
fait sortir dEgypte. Pour donner confiance à
Moïse et lui procurer lassurance dont il avait
besoin, Dieu lui déclara : " Je fais
grâce à qui je fais grâce ". Puisque le
choix de Dieu ne dépend pas de la dose de mal ou de bien
quil y a dans lêtre humain mais seulement de
sa volonté souveraine, nul ne peut dire quil est
trop mauvais pour être lobjet de sa faveur, pour
être au bénéfice de sa grâce. Rien dans une vie ne
peut influer en bien ou en mal le libre choix de Dieu, ni
lempêcher dexercer sa compassion, en un mot
dêtre Dieu. Voilà comme il est bon de considérer
la doctrine de lélection : comme une source
dhumilité, despérance, dencouragement
et de joie. Sylvain TRIQUENEAUX |