Mission La
mission, une vocation Parcours d'une vocation missionnaire : appel, formation, soutien spirituel et matériel puis le départ pour un travail dans le domaine de la traduction de la Bible parmi les Kel Tamajaq (Touareg) au Niger : d'âpres difficultés et de sûres joies éclairées des promesses du Seigneur. " Ils ont ouvertement
reconnu quils étaient des étrangers et des
exilés sur la terre ". (Hébreux
11 :13b) La préparation La curiosité, le besoin
daventure peuvent certainement faciliter un départ
mais, un ministère sur le champ missionnaire ne peut pas
faire face aux diverses difficultés, aux défis sans un
appel du Seigneur, que celui-ci soit spécifique ou plus
général. Lappel sans être pris à la légère
dans sa continuité, ne doit cependant pas devenir si
rigide quil nous empêcherait de rester à
lécoute de Dieu. La prochaine étape était la formation linguistique et en communication transculturelle. Celle-ci venait sajouter à ma formation théologique car, les deux composantes linguistique et théologie- sont nécessaires à la formation dun linguiste-exégète. Eléments dethnologie, techniques dapprentissage de langue, méthodes de recherche et danalyse des langues en vue de pouvoir les écrire, principes de traduction formaient larchitecture de cette formation. Certains organismes envoyeurs prennent
en charge le soutien matériel de leurs envoyés, y
compris une couverture sociale. Dautres non.
Lassociation qui nous envoie fait partie de ces
derniers. Il appartient alors à chaque envoyé de
trouver ce soutien. Avoir le soutien nécessaire au
départ est même quelquefois perçu comme une
confirmation de lappel. Une de nos tâches avant de
pouvoir partir a donc été de prendre contact avec des
Eglises et des individus désireux de sengager à
nos côtés, de faire équipe avec nous en soutenant dans
leurs prières et par leurs dons nous-mêmes et le
ministère dans lequel nous allions être impliqués. " Partir, c'est mourir un peu ", dit-on. " Si le grain ne meurt, il ne portera pas de fruit ", dit Jésus. Partir, comme le sous-entend la sagesse populaire, se séparer de ceux que lon aime et de ce que lon connaît pour des relations à construire et un monde inconnu, fait mal et comme toute souffrance nous change dans une certaine mesure nous ne ressentons pas tous et ne réagissons pas tous de la même manière Mais, Jésus nous rappelle que le changement est nécessaire pour être plus comme lui et pour porter du fruit à sa gloire. Vers une autre culture L'arrivée (apprentissages et intégration) est une période où lappel peut être vraiment mis à lépreuve, lexpérience donnera autant doccasions de créer le doute, de susciter le questionnement . Selon les contextes, il est possible que lenvoyé ait à sadapter, à la fois ou en partie, à un nouveau climat, à une économie tout autre, à une nouvelle langue, à des valeurs ou à une religion inconnues, à des murs ou à des pratiques culturelles paraissant étranges et causant un sentiment dangoisse. Cest un temps dapprentissages et de découvertes, un temps dhumilité et découte. Un temps qui pourrait paraître à nos yeux comme une période de régression où lon passerait du stade dindividu adulte compétent et respectable à celui dun enfant gauche et impoli à qui personne naurait jamais enseigné le code élémentaire de comportement. Mais, ce que lon peut comprendre et excuser - chez un enfant devient chez un adulte une occasion de rire On en fera des histoires à conter aux générations futures ! et peut-être même une source dhumiliation. On apprend ainsi à rire sur soi et de nos erreurs et, à prendre avec humour nos balbutiements et nos maladresses, que ceux-ci aient à faire avec la langue proprement dite ou la culture dans un sens plus large. Si nous observons pour apprendre, nous sommes aussi observés, mesurés, jaugés au travers de nos actions et réactions, de nos paroles, au travers de notre gestion des relations humaines. Ceci pour dire enfin que cest un temps sans lequel aucune intégration nest possible ; lintégration sera à ce prix. Vouloir griller les étapes serait préjudiciable à un ministère fructueux ; évoquant les paroles de Jésus citées plus haut, on peut dire que cet apprentissage parce quil force à un changement peut être considéré comme une forme de mort et donc, le préalable à tout fruit. Intégration ? Jusquà quel
point ? Quelle est sa pertinence pour la vie, le
témoignage et le ministère ? Je ne prétends
pas apporter de réponse à ces questions. Nous pouvons
parler de bonne intégration, dintégration
réussie qui saccompagne souvent dune
certaine contextualisation mais nous ne pouvons
pas parler dintégration totale ou parfaite.
Celle-ci demande à lenvoyé de faire face à de
nombreux défis et, même plus encore, à des exigences
qui peuvent paraître insurmontables. Etre d'ici et de là-bas Limportance des relations humaines, voilà la grande leçon que mont enseignée mes amis, collaborateurs, étudiants, collègues et autres connaissances, et limportance de les entretenir et de les préserver. Le départ, que nous avons évoqué plus haut est ressenti profondément, même si cest de manière différente, à la fois par ceux qui restent ici et ceux qui sen vont là-bas. La séparation peut être ressentie de manière plus aiguë aussi bien à cause des difficultés rencontrées quà cause du fait quil est difficile de parler dune vie bien différente voire étrange et de faire comprendre des réalités qui semblent à nos interlocuteurs appartenir à un autre monde. Ainsi, vivre cette double appartenance ici et là-bas est à la fois riche et douloureux. Faire partie dune autre culture, parler une autre langue, avoir des amis dautres cultures et dautres langues, participer à la vie dune Eglise dans un autre contexte culturel, sont autant de facteurs de changement chez une personne, dans une famille. Petit à petit, nous appartenons à une nouvelle culture. Ceci explique pourquoi les communications entre ici et là-bas manquent quelquefois de clarté, pourquoi les enfants de missionnaire sont plus à laise dans cette culture , et en particulier parmi les jeunes avec qui ils la partagent, et pourquoi, nous leurs parents sommes parfois mal à laise ou maladroits ici, dans un contexte qui devrait pourtant nous être familier. Les changements personnels évoqués
plus haut sont bien perçus lors des congés
missionnaires et de manière encore plus aiguë lors de
retours ici, au pays dorigine. Le congé
missionnaire qui doit normalement comporter un temps de
repos et de ressourcement nest certainement pas un
temps de vacances, bien que ce soit le nom que beaucoup
lui donnent car il nentre pas dans une catégorie
normale et connue dactivités. Je préfère le nom
dannée sabbatique qui me semble mieux convenir. Les rivages vers lesquels luvre missionnaire nous emportent sont certainement faits des difficultés évoquées dans ces lignes mais aussi des joies dune vie riche dexpériences, riche dactivités fascinantes, riche de fruits dans le ministère, et de la joie davoir répondu à lappel lancé par le Seigneur et de se trouver dans sa présence fidèle. La mission quels que soient son champ, sa forme ou ses stratégies - a encore de beaux jours devant elle quand on voit combien sont encore nombreux les peuples qui pourraient bénéficier de lespérance quapporte lEvangile et quand on voit le Seigneur qui continue à appeler des serviteurs dans sa moisson et que nombreux sont les moissonneurs de tous les coins du monde qui répondent à son appel. Christian GRANDOUILLER, missionnaire au Niger |