Mission Regard
sur la mission d'hier et d'aujourd'hui La mission, fondée sur les paroles de Jésus-Christ, est toujours d'actualité. S'il est nécessaire de faire le tri entre les apports positifs et négatifs du passé, il convient aussi d'appréhender la situation actuelle, en Occident comme ailleurs. Une solidarité fraternelle qui n'est pas seulement de l'ordre du partenariat s'impose. La mission de l'Eglise prend sa source aux quatre paroles fondatrices prononcées par Jésus : " Il faut aussi que jannonce aux autres villes la bonne nouvelle du Royaume de Dieu ; car cest pour cela que jai été envoyé. " (Luc 4. 43) " Nallez pas vers les païens, et nentrez pas dans les villes des Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison dIsraël. En chemin, prêchez que le Royaume des cieux est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. Ne prenez ni or, ni argent, ni monnaie dans vos ceintures, ni sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni sandales, ni bâton, car louvrier mérite sa nourriture. " (Matthieu 10. 5) " Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. " (Matthieu 28. 19) " Mais vous recevrez une puissance, celle du Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusquaux extrémités de la terre. " (Actes 1. 8) C'est ainsi que les disciples annoncèrent la bonne nouvelles du Royaume de Dieu et du nom de Jésus Christ (Actes 8.12 ; 28.30) en accomplissant beaucoup de signes et de prodiges, soulageant la misère des plus pauvres - signes du Royaume depuis la Judée jusquaux extrémités de la terre. Un peu d'histoire On peut grosso modo distinguer quatre périodes dans lhistoire de la mission ( particulièrement en Afrique). - Jusqu'en 1884, les pays christianisés (occidentaux) prennent conscience, à la suite de Christ (Imitation de Jésus Christ), de la nécessité de lannonce de la bonne nouvelle de Jésus Christ, accompagnée d'un travail de développement pionnier et révolutionnaire pour lépoque et encore pour aujourdhui (aspect médical, éducation, libération du cycle alimentant lesclavage, inculturation du message et des structures dEglise). - De 1884 à 1960, cest la période de la conquête et de la mise en coupe réglée de lAfrique par les grandes nations européennes. Les missionnaires, qui sont des hommes de leurs époques, vont être porteurs malgré eux de ce message sous-jacent. Ils développent des stratégies missionnaires dans lesquelles le modèle occidental va dominer, mais les éléments constitutifs de lannonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ accompagnée des signes du Royaume demeurent. " Tout lévangile à tout lhomme " : travail éducatif et médical, projet favorisant le bien-être de lhomme. - De 1960 à nos jours, cest la période de l'indépendance des Etats et de lindépendance des Eglises ; et, avec ces indépendances, le rejet en bloc de ce quont accompli les missionnaires (souvent au prix de leur vie). Pour certains, ce rejet saccompagne de la proclamation de la fin des missions ( voire de la mort de Dieu). Mais ici, ne pourrions-nous pas déceler une inféodalisation à lair du temps tant reprochée à nos anciens ? Les " jeunes " missions, souvent nord-américaines, continuent quant à elles sur la poursuite de la deuxième période, mais, il faut le dire, dans des lieux et avec des populations non touchés par le travail des missions historiques et les Eglises ainsi fondées découvrent leur autonomie plus calmement que leurs aînées. Cest la période de la séparation, de la fin du paternalisme, et de la découverte du partenariat, parfois difficile, car les habitudes prises ont la vie dure. - Et pour le XXIe siècle ? La mission reste encore à définir, en sefforçant de tirer des leçons du passé et en tenant compte de lordre de notre Seigneur et de ses composantes qui restent les mêmes ; il convient aussi de ne pas occulter la diversité des situations entre les premières Eglises africaines dites " historiques " et les jeunes Eglises dites " évangéliques ". Etat des lieux Pour ce qui est de l'Occident, la vielle Europe comme la jeune Amérique sont touchées par une déchristianisation rapide, baignées de post-modernité et touchées par les effets de la mondialisation. Certes, il y a une croissance de lEglise en certains lieux et dans certaines dénominations, mais on ne peut plus parler dOccident chrétien. De plus, avec la richesse et le niveau de vie toujours croissant se développe lindividualisme et le " cocooning " aux dépens des valeurs qui ont accompagné lEvangile, la solidarité et la miséricorde. Résultat : la pauvreté et la misère humaines se développent aux portes des Eglises et contrairement aux périodes des grands réveils spirituels qui avaient vu le développement concomitant duvres sociales au profit des plus pauvres, la croissance des Eglises aujourdhui ne saccompagne que rarement de la manifestation des signes du Royaume. La vision missionnaire de plus en plus étriquée que véhiculent les Eglises en est un signe révélateur. En terre de mission (en Afrique et ailleurs), les Eglises sont en pleine croissance, cest lexplosion ! Comme explosent les défis placés devant les Eglises et les chrétiens. Je nen citerai que quelques-uns. - La pauvreté : la misère et les
problèmes liés à cette pauvreté. Une des conséquences de cette pauvreté, c'est le nombre dramatiquement réduit dinstitutions de formation théologique et biblique au regard du nombre dEglises et de chrétiens ; ce qui implique un manque de cadres dEglise, de pasteurs formés, de théologiens, pouvant éduquer les chrétiens dans une nouveauté de vie. Mais, malgré cela, et Dieu merci, lEglise africaine est belle, vivante et dynamique ; certaines dentre elles sont dores et déjà missionnaires, dans dautres ethnies, dautres pays, dautres continents ( en Angleterre, par exemple). Liés à ce déficit didactique quant à la libération de Christ, les défis éthiques qui se posent à lEglise sont toujours plus dactualité : dans lEglise la polygamie, par exemple aussi bien que dans la société la corruption, etc. Reste (et notre état des lieux n'est pas exhaustif !) un défi qui me paraît le plus difficile à relever, le défi de lethnicité. Avec la démocratisation ( merci, messieurs les bien-pensants !) est réapparue en Afrique une plaie qui avait été jugulée par la colonisation et les régimes dits autoritaires, cette plaie sappelle le fait ethnique. C'est un ferment de violence jusque dans les Eglises malheureusement (rappelons-nous le Ruanda), certaines missions nont pas tiré les leçons du drame ruandais. Prier, donner, aller Un Occident qui se déchristianise,
avec des chrétiens de plus en plus centrés sur
eux-mêmes et une Afrique qui est de plus en plus mal
partie, mais avec une Eglise qui grandit aussi vite que
les défis auxquels elle est confrontée : voilà la
situation du monde à laube du XXIe siècle. Le changement, cest quil
devient nécessaire dannoncer (à nouveau) la bonne
nouvelles du Royaume de Dieu et du nom de Jésus Christ
dans nos pays car avec la post-modernité, cest le
paganisme qui est réapparu et tout particulièrement en
France où laïcité devient synonyme dathéisme. Le changement, cest que les
Eglises en Afrique tout en étant fortes nen
restent pas moins pauvres, alors que nous sommes toujours
aussi riches et même toujours plus. Par contre, si l'on veut être porteurs des signes du Royaume c'est dans la solidarité fraternelle qui n'est pas seulement de l'ordre du partenariat que cela peut se réaliser, il reste de nombreux lieux daction que je traduirai par des formules simples mais explicites : transfert de connaissances, transfert de technologies, formation de formateurs et partage de ressources, dexpériences ( pour ne pas dire de richesses). Un tel partage nest pas unidirectionnel, il est et peut être multi-directionnel. En effet, nous avons en Europe beaucoup à recevoir dans le partage dexpériences avec les Eglises du sud, par exemple dans lanimation villageoise qui pourrait trouver des lieux dapplication dans les quartiers défavorisés de nos cités, on pourrait même sinspirer du travail de santé primaire avec l'implantation de dispensaires pour pallier aux conséquences sanitaires de la paupérisation dans les villes (à Marseille, Médecins du monde a ouvert deux dispensaires !). Pourquoi le sud serait-il le seul à connaître le privilège d'une prise de conscience (certes par nécessité) quant à la conservation et au respect de la création ? Et que dire de la fraîcheur et la spontanéité de lexpression de la foi !etc. ! Les lieux et les possibilités de partage sont légions, à nous de les découvrir. Non, la mission nest pas morte !
Elle est toujours dactualité et elle le restera
jusquau jour du Seigneur. Et avec la mission
cest-à-dire la bonne nouvelle du Royaume de Dieu
et du nom de Jésus-Christ ainsi que la manifestation des
signes du Royaume, demeurent également les trois mot
dordre dESMA (1) : prier, donner, aller. Patrick KELLER, pasteur
à Berre, ancien missionnaire au Niger, (1) ESMA, European Student Missionary Association qui est ensuite devenu TEMA, organisateur des grands congrès missionnaires de Lausanne et Utrecht. |