avril 2004

Vie chrétienne

Les différents aspects de l'amour de Dieu
Dieu et nous

Dieu est bon : sa grâce, son amour le manifestent. La Bible parle de cette bonté de bien des manières, offrant ainsi plusieurs facettes à une réalité bien ineffable. Un éclairage sur l'être de Dieu et notre vocation.

La bienveillance est la bonté de Dieu manifestée dans tous ses bienfaits. Si Dieu seul est bon (Marc 10.18) et s'il est la fontaine de la lumière (Psaume 36.9), cette bonté prend la forme d'une bienveillance envers tous (Psaume 145.9-10, 14-17) : la pluie et le beau temps, le printemps et la récolte, sans considération de personne. Jésus l'affirme dans le Sermon sur la montagne : "Le Père céleste fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes." (Matthieu 5.45) Cette "grâce commune" de Dieu ne suppose pas la capacité des hommes à en être reconnaissants; seuls, ceux qui en sont conscients savent remercier le Seigneur.

L'antichambre de la grâce

Dans sa compassion, Dieu montre qu'il aime le pécheur, malgré son péché et, peut-être même, à cause de lui. La compassion de Dieu se concrétise dans la miséricorde ou la pitié que Dieu éprouve envers ceux qui souffrent sous le poids de leurs fardeaux. Dieu regarde ceux qui ploient sous les conséquences du péché, de leur injustice ou de celle des autres. Quels que soient leurs actes, il a compassion d'eux. Le Très-Haut, dit Jésus, "est bon pour les ingrats et pour les méchants." (Luc 6.35) Le contexte de cette affirmation étonnante indique qu'ainsi Dieu est miséricordieux. Dieu, dans sa pitié, est toujours prét à soulager la détresse de ceux qui se tournent vers lui et implorent son aide. La miséricorde de Dieu, sa compassion pour ceux qui souffrent est l'antichambre de la grâce de Dieu.
La grâce de Dieu fait pendant à la culpabilité de l'homme comme la miséricorde à sa souffrance. La grâce de Dieu est l'expression de sa bonté envers ceux qui sont indignes. On ne fait pas grâce aux vainqueurs, mais aux perdants ! Telle est la bonté de Dieu envers ceux qui ont perdu ou ont renoncé au droit d'être aimé et qui, par leur nature et par leurs actes, sont sous la condamnation et le jugement.

Les perdants à l'honneur

Le père du fils prodigue est l'exemple biblique le mieux connu et, à juste titre, étant donné le comportement du fils ! (Luc 15.21) La grâce est la délivrance qu'accorde la bonté imméritée de Dieu. Elle est la source de bénédictions spirituelles conférées à des pécheurs. Ephésiens 2 montre comment la miséricorde de Dieu débouche sur sa grâce : "Dieu est riche en miséricorde et, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos fautes, il nous a rendus à la vie avec le Christ - c'est par grâce que vous êtes sauvés... afin de montrer dans les siècles à venir la richesse surabondante de sa grâce par sa bonté envers nous en Christ-Jésus." (versets 4-7) Miséricorde, amour, grâce et bonté, tels sont les échelons de l'oeuvre de Dieu comme Sauveur. La grâce est la source, l'accomplissement et l'application de tout ce qu'est Dieu comme Sauveur.
Quant à l'amour de Dieu. L. Berkhof le définit comme "la perfection par laquelle Dieu est éternellement mû vers l'autocommunication.
(1) Dieu est amour : il a le désir de communiquer la sainteté de sa personne et le plaisir que lui causent ceux qui reflètent sa gloire selon les qualités éthiques de son image, créée et restaurée en Christ dans la "justice, la sainteté et l'amour de la vérité." (Ephésiens 4.24, Colossiens 3.10) La profondeur de cet amour se dévoile dans sa particularité. Dieu aime ses enfants d'un amour spécial et inaltérable et se plaît à les bénir de ses dons et ses grâces. "Le Père lui-même vous aime, dit Jésus à ses disciples, parce que vous m'avez aimé, et que vous avez cru que je suis sorti d'auprès de Dieu." (Jean 16.27) L'amour de Dieu dans le salut appelle une réponse de reconnaissance : "Voyez quel amour le Père nous a donné, puisque nous sommes appelés enfants de Dieu ! Et nous le sommes." (1 Jean 3.1) L'amour de Dieu est révélé dans l'acte par lequel il déclare que certains êtres humains sont ses enfants par son Fils, Jésus-Christ. Ces personnes sont objet de son amour et de son salut. Comme tous les autres êtres humains, elles bénéficient de la bienveillance et de la miséricorde de Dieu, mais elles sont l'objet de sa grâce rédemptrice suite à une concentration de son amour.

Un concentré d'amour

L'amour de Dieu en Christ n'est pas supérieur aux autres formes de bonté de Dieu, mais une forme de cette bonté manifestée dans sa personne; celui-ci est le fondement d'une relation de reconnaissance vis-à-vis de Dieu qui est à son origine. Dans l'alliance de grâce, il y a, de façon conjointe, le don de l'amour de Dieu et la réponse aimante de ses enfants.
Que dire de l'amour envers Dieu, concrétisé dans la vie de ceux qui cherchent à confesser son nom ? Il est clair que cet amour n'est jamais qu'un pâle reflet de celui qui est sa source. Notre amour n'est jamais que faible, chancelant, enclin, comme le dit si bien C.S. Lewis, à faire place au pire après avoir aspiré au meilleur. Cela s'explique par la différence qui existe entre Dieu et nous. Dieu est Esprit et n'a pas de passions ou d'émotions qui, comme les nôtres, seraient capables de nuire à sa sainteté, sa fidélité, sa justice et son amour. A la différence, nous sommes faits de façon complexe, avec un corps qui porte les marques de la chute jusqu'à son dernier jour. Cela suffit à décourager de faire de l'amour "l'idéologie" du christianisme, le juge de toutes les doctrines et de toutes les actions. Comment, alors, parler de l'amour du prochain droitement ?
La réponse à cette question se trouve dans une réflexion biblique sur la restauration en nous de l'image de Dieu en Christ, ce qui nous permet de reproduire à notre niveau, humain et faillible, un reflet faible mais authentique des caractères de la bonté de Dieu.
L'amour chrétien est, d'abord, "bienveillance". Si Dieu seul est bon, nous ne sommes pas, pour autant, dispensés de rechercher le bien de nos prochains. Cette bienveillance n'a rien à voir avec la tolérance molle qui, au nom du respect de l'autre, accepte, reconnaît comme valides, tous les comportements. Un aspect de cette bienveillance est la tentative de "dire la vérité avec amour". (Ephésiens 4.15)

Ne jugez pas !

A cet égard, il est utile de se rappeler que si nous ne sommes pas appelés à juger les autres, nous devons avoir une opinion sur leurs types de comportement ou d'attitude. "Ne pas juger" signifie ne pas condamner et appliquer la sentence. "Ne jugez pas, car dans la mesure où vous jugez les autres vous serez vous-même jugés." (Matthieu 7.2) Juger a, ici, le sens de condamner. L'ultime cour d'appel est Dieu et non pas notre jugement. Nous sommes, en revanche, appelés à discerner les esprits. Partout dans le Nouveau Testament, le chrétien est exhorté à discerner entre le bien et le mal, à faire le tri et à retenir ce qui est bon. (1 Thessaloniciens 5.21) Le discernement n'exclut pas la bienveillance, mais la recherche du bien de l'autre va, à la fois, stimuler la modération dans le discernement et tempérer nos décisions.
La compassion et la miséricorde ne sont pas des mots que les "spécialistes des soins" apprécient vraiment ! La pitié encore moins ! Ces termes traduisent une attitude de supériorité, voire de mépris. Mais que dit Jésus à ce sujet en Luc 6.32-36 ? Si nous aimons ceux qui nous aiment, et prêtons à ceux qui nous prêtent en attendant la réciproque, à quoi être croyant nous profite-t-il ? Même les païens font cela, dit Jésus. La compassion dont parle l'Evangile est une générosité sans attente de réciprocité. Et Jésus ajoute : "Mais aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer. Votre récompense sera très grande et vous serez fils du Très-Haut... Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux." La récompense est simplement la satisfaction d'être, vraiment, un enfant du Père en cherchant à faire comme le Père fait. Dieu n'est pas aveugle en faisant du bien à ses ennemis, et nous n'avons pas à nous comporter autrement. A la modération, cherchons donc à adjoindre la générosité, même envers nos ennemis, lesquels peuvent être parmi nos proches dans notre famille, notre travail ou notre communauté ecclésiale.
La grâce de Dieu peut s'incarner en nous comme elle s'est incarnée, de façon unique, une fois pour toutes, en Christ. La grâce exprime le pardon des péchés de la part de Dieu et nous sommes appelés aussi à accorder notre pardon à ceux qui ont mal agi envers nous. La parole de Jésus à ce sujet, le seul commentaire qu'il ait fait sur le contenu du Notre Père, est limpide, mais impressionnant : "Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi, mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes." (Matthieu 6.14) Il ne faut certes pas prendre cette parole dans le sens d'une conditions - "si vous... je... " car le pardon de Dieu n'est jamais conditionné par nos oeuvres. Il s'agit d'une conséquence. Si la grâce du pardon divin éclaire notre vie, elle nous apporte la possibilité de pardonner. En pensant à la grâce que Dieu nous a faite, nous ne manquerons pas de motivation pour accueillir les autres.

Entre frères...

Et l'amour ? Est-il possible d'expérimenter l'amour du prochain dans sa plénitude ? Sans doute, non. Que faut-il donc entendre par amour du prochain, dans le concret ? 1 Jean 3 qui parle si bien de l'amour de Dieu nous tend une perche : "Quiconque ne pratique pas la justice n'est pas de Dieu, non plus que celui qui n'aime pas son frère." (1 Jean 3.10) Et "Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu, et quiconque aime celui qui l'a engendré aime aussi celui qui est né de lui." (1 Jean 5.1) C'est ainsi que nos attitudes envers notre "frère" rendent sensible l'amour de Dieu pour ses créatures; il arrive parfois qu'on manque, entre chrétiens, d'égards, parce qu'on est "entre frères". Des attitudes contraires à la justice se développent, qu'on n'observe même pas dans le monde ! La parole de Jean invite à aller dans l'autre sens, à être plus justes, plus stricts dans nos pensées, nos attitudes, nos paroles et nos actes. Plus d'amour et plus de justice, parce que nous sommes "entre frères", devrait être un mot d'ordre. Et cela, en commençant par les rapports avec les plus proches. Ce n'est pas par hasard si Paul se référe, en Ephésiens 5, au modèle de Christ et à son don à l'Eglise en parlant du comportement conjugal.
L'exigence de l'amour nous presse et nous interpelle : quel est le but de notre vie ? N'est-ce pas aimer Dieu et notre prochain comme nous-mêmes ?

Paul Wells, professeur à la FLTR

1/ L. Berkhof, Le Dieu trinitaire et ses attributs (Cléon d'Andran : Excelsis/Kerygma, 2003) 82.