Méditation biblique A
l'écoute de 1 Samuel 25. 2-35 L'hebdomadaire Télérama (n° 2816) du
début Janvier 2004 montre en couverture le visage d'une
femme avec pour titre "L'homme de l'année est une
femme, entretien avec Shirin EBADI , prix Nobel de la
paix" . C'est en effet une femme, iranienne,
musulmane qui a reçu ce prix en 2003 pour son opposition
active à l'oppression des femmes dans son pays. Qui sème le vent récolte la tempête... Abigaïl, " celle qui fait la joie
de son père " (signification de son nom) ne devait
pourtant pas être toujours dans la joie! Son époux est
décrit dans ce passage avec bien peu d'indulgence! Son
nom à lui, Nabal, signifie" fou obstiné, homme
infâme ou insensé."! Dans le livre des Proverbes,
le fou, l'insensé est celui qui s'oppose au sage, à
l'intelligent. Nous allons découvrir en effet beaucoup
de sagesse dans le comportement d'Abigaïl alors que son
mari nous est présenté comme violent et dur avec ses
serviteurs. Heureux les artisans de paix, ... C'est dans ce contexte de haine que les qualités d'Abigaïl vont être mises en valeur. Elle est tout d'abord suffisamment humble pour écouter et suivre les conseils d'un serviteur. Et comme les grands hommes tels Néhémie ou Daniel qui s'identifiaient au peuple juif en se sentant coupables de la rébellion de tous, elle se présente comme seule coupable envers David "pour sauver la vie de son vaurien de mari" (écrit Alphonse Maillot) mais aussi de tous ses serviteurs innocents! En personne avisée, elle comprend immédiatement le danger qui menace. Elle se rend compte de la grave erreur que son mari a commise en renvoyant les messagers de David. Elle fait tout simplement preuve de bon sens, de "jugeote" dirait-on aujourd'hui et va agir en conséquence. Pour éviter l'engrenage de la violence et de la haine, quand la colère et la vengeance viennent aveugler le coeur de l'homme, il faut un médiateur. Ici, en l'occurrence, ce sera une médiatrice, qui vient gérer le conflit par le dialogue et la négociation. La voici donc "interventionniste courageuse" sur le terrain. Pas question de laisser pourrir la situation, elle décide d'agir vite. Elle n'a pas le temps de se préparer à rencontrer David, pas le temps d'écrire un discours riche en argumentations longuement pensées dans un fauteuil. Mais elle sait la valeur positive de la parole dite à propos, des parole justes et vraies qui touchent et apaisent la fureur de l'affront reçu et qui ont le pouvoir de détourner une décision prise sans réfléchir, sous l'emprise de l'émotion et de la colère. Elle a les paroles qui guérissent, qui convertissent, c'est à dire qui font changer de chemin, de décision. Si elle se présente devant David avec des cadeaux, c'est pour calmer la fureur de ses troupes, mais elle, elle est sans arme sinon celle de la parole. Rappelons-nous ici par exemple l'affaire Allègre: alors que cet homme allait étrangler sa 6 eme victime, celle-ci lui a parlé en lui disant de se calmer et de penser à sa petite fille à lui. Ces paroles ont permis d'apaiser sa fureur et d'arrêter son geste meurtrier. Jésus à son procès réagira lui aussi par une parole envers celui qui vient de le gifler, afin de le confronter au sens profond de l'acte violent qu'il vient de commettre à l'égard du Christ. Mais bien plus que de prononcer des paroles qui apaisent, Abigaïl accomplit aussi un acte prophétique. Elle sait qu'elle parle au futur roi David. En lui rappelant le rôle que Dieu lui réserve, elle l'empêche de salir sa réputation et celle de tous ces descendants. Car Jésus sera appelé "fils de David". Elle l'empêche ainsi de commettre l'irréparable. Elle le protège en le détournant d'un mauvais chemin. Impressionné David accepte de revenir sur sa décision en parvenant à maîtriser sa colère afin de ne pas commettre un crime aux conséquences désastreuses pour l'avenir de la royauté. La maîtrise de soi nous dit le livre des Proverbes (16 v 32) est une conquête plus importante que la conquête d'une ville. Quel message pour un futur chef de guerre comme David! Jésus Christ, le médiateur par excellence Abigaïl mérite bien son nom! Par son intervention courageuse, elle a surtout fait la joie de son Père "dans le ciel." et nous rappelle que 1000 ans plus tard, Jésus fera lui aussi la joie de son Père, de ce même Père. Lui aussi sera humble, pacifique, rempli de discernement, et sa parole sera dispensée avec autorité et amour pour ramener les hommes sur le chemin juste. Lui aussi ira jusqu'à prendre le péché de tous les "Nabal" que nous sommes pour les porter à la croix. Certes, en Jésus-Christ, c'est d'une autre réconciliation dont il s'agit, bien plus profonde et fondamentale, celle de l'homme sans Dieu, fou et insensé, qu'il faut réconcilier avec son créateur comme nous le rappelle l'apôtre Paul.(2 Cor 5 v 18- 20). Toi, lève-toi... Ce récit nous invite à nous rappeler
non seulement la réconciliation avec Dieu acquise en
Jésus-Christ mais aussi nous donne un exemple concret
d'une réconciliation possible dans un contexte de
violence et de mort. Sommes-nous de ceux qui par nos
engagements, nos paroles, nos interventions, faisons la
joie de notre Père, tout comme Abigaïl ? Sommes nous
dignes d'être appelés ses enfants en étant vigilants
pour reconnaître les forces et les tendances
destructrices de notre société et capables d'apaiser
les colères et les haines en étant des artisans de paix
et des médiateurs sur le terrain des conflits ? Corine FINES, pasteur à Nîmes |