Eglise

La place des femmes dans l'Eglise
Eglise, au féminin

Regard d’un pasteur à la retraite sur la place des femmes dans l’Eglise : dans la communauté, dans la direction de l’institution ecclésiastique comme dans le quotidien, l’épreuve et jusqu’en leur révolte.

Ma réflexion sur ce sujet - la place de la femme dans l’Eglise – ne peut être que très limitée. Elle est forcément subjective. Sur la question, je ne dispose pas d’une étude sociologique fiable susceptible d’étayer mon propos. De plus, j’appartiens à une génération pastorale ancienne et mon ministère s’est exercé essentiellement dans un contexte de ville.
Ce préliminaire étant fait, je résume mon sentiment autour de quatre pôles : les femmes dans les Eglises sont présentes, partagées, courageuses, redoutables.

Elles sont présentes

Je récuse ce cliché bien établi que l’Eglise est une affaire de femmes. C’est vrai qu’à une certaine époque, les assemblées étaient constituées essentiellement de femmes. Les hommes s’abstenaient pour des raisons idéologiques. Anticléricaux, adhérents d’une politique de gauche dite avancée, ils se devaient de ne pas pratiquer une religion infantile. Aujourd’hui encore, lors d’ensevelissements en zone rurale, il n’est pas rare qu’il y ait un groupe d’hommes refusant ostensiblement de pénétrer dans le temple de l’obscurantisme.
Je crois que ce n’est plus ce qui caractérise la situation actuelle. Dans les communautés que je connais le mieux, je constate un harmonieux équilibre entre les sexes comme aussi entre les générations. Les femmes et les hommes sont ensemble réunis. C’est heureux qu’il en soit ainsi ! La Parole de Dieu s’adresse à tous (Galates 3. 28).

Reste cependant le problème de la direction de l’Institution ecclésiastique. Dans les conseils régionaux et national, les femmes sont peu représentées. Je mets à part les conseils presbytéraux dont la composition varie d’une paroisse à l’autre. Ils sont parfois entièrement masculins ou féminins. Nous mesurons ici les conséquences d’un débat passionné et qui ne me semble pas achevé sur le fond malgré les décisions synodales, il s’agit de savoir si les femmes peuvent participer au ministère d’ordre établi dans l’Eglise. Le silence actuel sur le sujet ne signifie pas qu’il y ait un vrai consensus dans un sens ou dans l’autre. Personne, pas plus les femmes que les hommes, n’a envie de remettre en discussion le différend. Cependant, sans manifester à grands cris, les femmes sont là et leur avis, leur autorité de fait s’imposent. Leur savoir-faire, leur fonction dans la société civile donnent du poids à leur présence. Leur pouvoir ne s’exerce pas au niveau de la structure presbytérienne. Il n’en est pas moins réel. Il n’est plus possible de leur demander : soyez belles et taisez-vous !

L’Eglise, une assemblée de femmes et d’homes séparés, certainement pas ! Une assemblée d’hommes et de femmes, chacun avec ses charismes et ses capacités, certainement oui ! Cette tendance actuelle me réjouit parce qu’elle est l’expression d’une réalité sociétale et biblique à la fois.

Partagées

Ainsi en est-il parce qu’elles sont obligés de répondre à des tâches, multiples et accaparantes, toutes impérieuses. Une femme qui travaille, - et elles travaillent toutes même lorsqu’elles sont, dit-on, sans profession, comme elles ont toujours travaillé, - comment peut-elle encore être présente sur tous les chantiers : il y a les impératifs des horaires, les soins du ménage, l’éducation des enfants. Je pense en particulier aux veuves, aux divorcées malgré elles, qui doivent tout financer et tout assumer. Comment encore participer aux activités de l’Eglise, cela relève du miracle ! Ce n’est pas qu’elles ne voudraient pas mais elles ne le peuvent pas. Ces jours-ci, une femme mariée avec des enfants à charge, enseignante et de plus membre du conseil presbytéral, me disait son désir de venir à des réunions qui l’intéresseraient, mais c’était impossible. Finalement l’assemblée dominicale reste le moment privilégié cultuellement et pratiquement pour vivre ensemble la vérité ecclésiale.

Il nous arrive, nous pasteurs, d’être sévères à l’égard de celles et ceux qui ne répondent pas toujours présents à nos convocations. Avons-nous toujours conscience des exigences auxquelles les laïques font face ? J’ai l’impression que nous sommes moins pointilleux vis-à-vis de nous-mêmes, mais ce n’est qu’une impression très certainement fausse.

Courageuses

Elles sont étonnamment courageuses et fortes. Leur force de résistance dans l’adversité m’impressionne. Je ne sais pas à quoi c’est dû : leur constitution physique, psychique ? leur approche de la Parole de Dieu ? Le fait est là. Souvent l’homme soi-disant fort, même s’il est un chrétien fidèle et, de surcroît, ayant un ministère fécond, s’écroule, se liquéfie parce qu’il ne trouve pas en lui et même dans sa foi les ressources pour surmonter l’événement. La femme, elle, porte l’espérance de la vie. Sa vocation de mère, qu’elle le soit effectivement ou non, l’assure qu’au-delà de la douleur, il y a la naissance d’une réalité nouvelle. " Mère courage ", elles le sont pour la plupart. Elles l’ont montré dans l’histoire profane et religieuse. Elles l’ont montré dans les camps de concentration ; elles l’ont montré aux temps des persécutions et s’il n’y avait pas eu au désert des femmes, s’il n’y avait pas eu des femmes au temps mal vu du " Réveil ", où en serions-nous ?

Bénies soient nos sœurs en Christ ! Nous leur devons tant. Solides comme le granit, généreuses et vivantes, humbles et lumineuses à la fois elles sont là, heureusement !

Elles sont redoutables

Toute médaille a son revers. J’ai écrit " redoutables ", j’avais envie d’écrire " féroces " comme une lionne défend ses petits. Elles se hérissent lorsqu’on touche à ceux qu’elles aiment, à ce qu’elles aiment. Avec bec et ongles, elles attaquent si l’on fait du mal à leur entourage plus que si on leur fait du mal à elles-mêmes. Leur réaction peut être sans nuance. Il faut beaucoup de temps pour faire rentrer les griffes. Il faut que beaucoup d’eau passe sous le pont avant que soit hissé le drapeau blanc du cessez-le-feu.
Bien, je comprends qu’il vaut mieux que j’arrête là ma page d’écriture sinon je m’amasse un énorme capital de ressentiment…

En ai-je assez dit ? En ai-je dit trop ? Je ne sais. L’intérêt de cet articulet est avant tout dans le fait que je dévoile mon sentiment sur la place de la femme dans l’Eglise, sentiment d’un pasteur, d’un homme vieillissant, peu apte à comprendre la modernité mais qui s’efforce d’ouvrir grands ses yeux sur notre société. Finalement je propose au comité de rédaction de ce journal de demander à une femme d’écrire ce qu’elle pense de la place des hommes dans l’Eglise.

Maurice LONGEIRET, pasteur à la retraite